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Au XIe siècle, un nouvel art d'aimer surgit dans la société aristocratique occidentale. La femme, naguère encore tenue en mépris par la lourde tradition misogyne héritée des Pères de l'Église, devient alors, dans le chant des troubadours, le principe même et le sens de l'action masculine. Le chevalier, pour mériter sa dame, doit endurer le « service d'amour », véritable ascèse sexuelle et guerrière. Savamment accru par une longue liturgie amoureuse, le désir fait de l'amant le prêtre d'une nouvelle religion dont la femme constitue le centre. Le couple de la « fin' amor » — dont Lancelot et Guenièvre restent le plus bel exemple littéraire — est né : couple secret, nécessairement adultère, infernal, écrit Markale, puisque opposé à l'idéal chrétien du mariage. Heurtant morale et religion établies, l'amour courtois opère une triple rupture : dans les mentalités par le retour accepté du féminin, dans les mœurs par la valorisation de l'adultère, et enfin dans la spiritualité. En effet, alors même que grandit l'étonnant culte de la Vierge, la transfiguration courtoise de la Dame en véritable déesse salvatrice ne marque-t-elle pas, au sein de l'Occident médiéval, l'un des aspects majeurs du retour subtil de la Grande Déesse préchrétienne ?