Prix public : 20,00 €
Préface Beate Klarsfeld
Le rôle des femmes dans la Résistance française n'a émergé que récemment et l'on se rend compte maintenant qu'il a été très longtemps sous-estimé : elles étaient considérées comme des « petites mains » œuvrant certes courageusement mais pour des missions subalternes. Le général de Gaulle a décoré de l'Ordre des Compagnons de la Libération plus d'un millier d'hommes et seulement six femmes, alors que le nombre de résistantes qui ont été déportées et qui ont péri dans les camps, sans compter celles qui ont été décapitées en Allemagne, aurait mérité un traitement beaucoup plus équitable. Il était plus facile pour des pères de s'engager dans la résistance en confiant les enfants à leur mère; il était bien plus difficile pour une mère d'assumer le même engagement sachant que le père était plus souvent résistant lui-même ou bien peu apte à prendre en charge les enfants si la mère disparaissait. C'est pourquoi beaucoup de résistantes étaient des femmes seules, célibataires, divorcées, veuves ou mères d'adultes ou d'adolescents et non d'enfants en bas âge. L'ouvrage de Patrick Cabanel consacré à l’une de ces femmes, Dora Rivière, à la fois résistante dans un réseau et Juste parmi les Nations, montre à quel point il fallait être disponible et compétente pour être efficace. J'en sais quelque chose pour avoir décidé de faire campagne contre un chancelier allemand, ancien propagandiste hitlérien. Avec un enfant de deux ans sur les bras, comment aurais-je pu quitter sans cesse mon foyer, si nous ne nous étions organisés familialement d'une telle façon que nous disposions, ma belle-mère, notre couple, ma belle-sœur, son mari et leur enfant, d'un vaste appartement et de deux jeunes filles au pair et qu'ainsi j'étais libre dans mes mouvements.
Dora Rivière, elle, était âgée de 45 ans en 1940 et ses enfants étaient adolescents. Elle était médecin ophtalmologue, divorcée et engagée depuis 1920 dans une activité militante. Patrick Cabanel a réussi à reconstituer la période de formation de Dora en milieu protestant entre Saint-Etienne, Lyon et Le Chambon, entre la Haute-Loire rurale et la Loire industrielle, sous l'influence de pasteurs, comme Louis Comte, dont la foi et la passion sociale les incitent non seulement à parler et à écrire mais à créer des œuvres, telle celle des Enfants à la Montagne, si nécessaire à l'époque. Dora Rivière, pionnière qui sortait d'un lycée de jeunes filles et avait eu son bac en 1913, était entourée d'autres jeunes protestantes qu'elle allait fréquenter tout au long de sa vie. L'ardeur de sa foi et de sa vocation la faisait pencher vers la médecine coloniale : « il faut vivre pour les autres ». Elle partira pour la Pologne où elle passera deux ans à remplir des missions médicales dans des milieux défavorisés et même dans des camps de réfugiés : « Je n'oublierai jamais certains de ces yeux au regard difficile à qualifier où se trouvent la peur, l'angoisse, la faim et je ne sais quoi encore.