Prix public : 20,00 €
Si la mobilisation étudiante et lycéenne du printemps 2006 reste un moment important des luttes sociales de ces dernières années, c'est qu'elle fut tout à la fois de longue durée et de grande ampleur, au centre d'un mouvement interprofessionnel réunissant la quasi-totalité des grandes organisations syndicales et surtout marquée par un succès particulièrement significatif, avec le retrait du " contrat première embauche " (CPE). Sur ce terrain de la défense de l'Etat social où depuis une dizaine d'années de nombreux reculs avaient été observés, qu'il s'agisse des droits des salariés, du secteur public ou du système de protection sociale, les étudiants et lycéens mobilisés semblaient ainsi permettre au " mouvement social " de renouer avec une dynamique de victoire. Cette mobilisation de la jeunesse scolarisée a également surpris par l'émergence de pratiques telles que les " blocages " de locaux universitaires, le vote à bulletin secret ou l'instauration de débats contradictoires d'allure ostensiblement pacifique. L'idéal démocratique dont ces pratiques dessinaient le contour formait surtout le principal instrument pour fonder la légitimité des actions entreprises, en même temps qu'il donnait une tonalité particulière à l'entrée en politique de cette génération. Cette mobilisation apporta par elle-même un démenti à toute une série de discours sur la jeunesse : contre la représentation d'une jeunesse " dépolitisée " et repliée sur elle-même, apparaissait au contraire une génération intéressée aux questions sociales et économiques, préoccupée de son avenir, et soucieuse de la conduite des choses politiques. Produit d'une recherche collective, cet ouvrage répond à ces questions au travers d'un dispositif d'enquêtes à plusieurs facettes. L'enquête s'est d'abord arrêtée sur la mobilisation étudiante de Poitiers, présentée comme exemplaire par les représentants nationaux des étudiants puis par la presse , en raison de son caractère massif et de la forme très spectaculaire qu'y ont pris les opérations de vote -les assemblées générales étant organisées dans un stade et se concluant par un scrutin à bulletins quasi-secrets - mais aussi les actions collectives -telles que " l'occupation " de rectorat, " l'attaque " de restaurant Mac Donald's ou le " blocus de ville " . Enquêtes statistiques, entretiens pendant et après le mouvement, ont été combinés pour rendre compte de ce mouvement observé à l'échelle local. Ainsi, il ne s'agit ni de traiter cette mobilisation étudiante très circonscrite comme " représentative " ni d'en faire une sorte de témoignage de la globalité d'un mouvement à l'échelle locale. Elle apparaît plutôt comme un analyseur des conditions dans lesquelles de larges fractions du groupe étudiant en viennent à protester contre les politiques perçues comme leur étant hostiles ; il s'agit aussi d'y étudier un processus tout à fait exemplaire de production d'une mobilisation, où se révèlent le travail politique d'activation et de structuration des cadres cognitifs du mouvement, et le travail d'engagement et de mise en forme des dispositions et des émotions qui, des premiers moments de " l'entrée dans l'action " aux instants où les liens consolidés des semaines durant vont commencer à se distendre, est lui aussi le propre de ce type de ce type d'enchaînement de faits et de circonstances. La décomposition analytique de ce qui se définit ainsi comme une sorte de phénomène social total conduit à examiner successivement toute une série d'aspects traités le plus souvent de façon séparée, en même temps qu'elle invite à s'interroger sur ce qui rend possible une telle entrée dans la contestation, ou, si l'on veut, sur ce qui conduit d'ordinaire la jeunesse scolarisée à accepter le sort qui lui est fait et parfois à ne plus l'accepter. Ces analyses seront précieuses pour comprendre la crise du système scolaire et universitaire actuelle et les mouvements qui sont en train de se développer.