Prix public : 20,00 €
Alors que les paysans avaient été décrits comme les grands perdants de la modernisation de l'économie française, aujourd'hui, une partie d'entre eux s'est massivement embourgeoisée. Ces agriculteurs représentent une des figures contemporaines de la nouvelle classe patrimoniale. L'embourgeoisement des agriculteurs Sur-suicide des agriculteurs, dettes impayables, inégalité des aides de la Politique agricole commune, la profession agricole met souvent en avant une image " empaysannée " du monde rural, qui renvoie à un idéal agricole français des exploitations familiales. Dans les faits, les structures agricoles n'ont pourtant cessé de se transformer pour devenir toujours plus capitalistiques. La réalité de la condition agricole contemporaine reste peu étudiée en sociologie depuis le déclin des " études rurales ". Ce livre revisite ainsi les terrains mêmes de certains succès de librairie en anthropologie ou en sociologie, notamment dans la collection Sciences Humaines, qui ont contribué à construire la figure du paysan : le Châtillonnais. Armé des archives des enquêtes passées, cette enquête découvre un tout autre monde, près de quarante ans plus tard. Alors que les paysans avaient été décrits comme vivant dans des isolats à l'écart des évolutions urbaines, au corps lourd, marqués par des pratiques folkloriques et la tenue de rituels anciens, restés à distance de l'école, aujourd'hui, ils semblent s'être massivement embourgeoisés. Ces fils des paysans des années 1960 habitent des pavillons cossus, roulent dans de belles voitures, pratiquent le golf, partent l'hiver chasser au Maroc ou dévaler les pentes des stations de ski. Beaucoup de leurs enfants font des études supérieures, parfois très sélectives. Et s'ils quittent l'agriculture, ce n'est plus vers le bas pour un destin d'ouvrier, mais vers le haut, pour devenir cadre supérieur. Ces agriculteurs se distinguent économiquement avant tout par le fort patrimoine, historiquement foncier mais aujourd'hui immobilier et financier, patrimoine en moyenne au niveau des professions libérales. Ces gros agriculteurs incarnent concrètement une des figures contemporaines montantes d'une classe patrimoniale produite par les inégalités sociales pointées par le récent ouvrage de Thomas Piketty sur le capital. Alors que la sociologie rurale, de Pierre Bourdieu à Henri Mendras, s'est essentiellement consacrée au thème de " l'impossible reproduction paysanne " et " la fin des paysans ", paupérisation paysanne toujours observable en bas des mondes agricoles, ce livre s'attaque au phénomène symétrique : l'embourgeoisement de ceux qui sont restés et ont épousé le modèle productiviste. Le récit suit les parcours de familles sur plusieurs générations ; il décrit finement leurs revenus et leur patrimoine, leurs lieux de résidence, leurs pratiques de loisirs et de consommation, leur rapport à la politique et à l'école. On les saisit à la fois sur la scène du travail, sur leur exploitation, mais aussi au Crédit Agricole, ou au sein des conseils municipaux. On les suit en vacances et dans leurs loisirs. Ils sont également repositionnés dans leur environnement immédiat, les mondes ruraux à forte surreprésentation populaire, et, en même temps, dans la structure sociale nationale, à l'aide de données statistiques. Ce livre démontre qu'à l'écart des classes paysannes déshéritées ou de la bourgeoisie notabiliaire historique des grandes zones céréalières décrites dans la majorité des travaux, il existe désormais en France une importante nouvelle bourgeoisie agricole pourtant peu visible médiatiquement, fille de la modernisation agricole et des subventions publiques. Avec un thème aussi polémique pour la profession agricole et sa parole syndicale, qui travaille constamment à produire une unité de la profession voire une image misérabiliste, cet ouvrage devrait rencontrer un fort écho médiatique. Parler de l'embourgeoisement des agriculteurs peut passer pour une provocation, à droite comme à gauche. Le récit de l'enquête et l'exposé des résultats permettront d'associer la rigueur scientifique au souci d'éclairer le débat public. C'est donc un ouvrage scientifique autant que politique qui idéalement pourrait sortir au moment du salon de l'agriculture (février 2016) pour lui donner le maximum d'exposition médiatique. Les services communication de l'INRA auront tout intérêt à envoyer l'ouvrage ou faire un communiqué pour les rédactions généralistes et spécialisées de la presse agricole, qui couvrent largement ce marronnier. Le propos du livre s'avère aussi utile pour poser un regard critique contre le modèle productiviste qui reste dominant à l'échelle européenne. Le Ministère de l'Agriculture et des institutions comme l'INRA encouragent de plus en plus l'agro-écologie, ce qui va se traduire ces prochaines années par un ensemble de conférences, d'événements médiatiques et de débats qui pourront s'appuyer entre autres sur les conclusions de ce livre. L'auteur : Gilles Laferté est sociologue, Directeur de Recherche à l'INRA, spécialiste des agriculteurs et du monde rural.