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Une trouvaille, par Eric Clémens, Sitaudis.fr, 17/12/2010
Il semble bien que Le Grand Os ouvre dans le réel des activités d'écriture une marque singulière, de celles qui nous deviennent indispensables parce que inconnues... Car, pour ce que j'en sais, outre une collection et une revue (Lgo), sans parler d'un mouvement, le tournevisme, cette maison d'édition m'a ébloui des Traités et vanités, de Ana Tot, héraclitéenne entre poésie et philosophie, m'a intrigué des notations inclassables de Ildefonso Sirio de Januarios - et elle m'interloque aujourd'hui de L'o de trous, de Aurelio Diaz Ronda...
S'il se présente sous la forme de vers, ce texte manifeste une liberté insaisissable, entre jeu de signifiants et ombre portée d'une pensée. Mais pensée de quoi ? D'une exploration en tous sens du trou, de son vide, de ses sans-fonds et de ses ronds, de son rôle, ses bords et ses fosses - on a compris que je le cite.
Diaz Ronda agit donc et il agite la question qui hante ses ressources : celle de l'engendrement perpétué, énigmatique du fait de l'insignifiance de ces sons tremblés avant d'être tremblant : tr o ou trou ! Où est l'o de trous ? où sont nos trous ? tous les trous partout ? où débouchent-ils ? où trouent-ils ? ou roulent-ils ? jusqu'à couper court à nos détours ? 113 pages tournent et retournent cette force spectrale...
Que le trou touche au réel du sujet, nous pouvons le répéter après Lacan. Il faut surtout le réinscrire, car sa fiction détient l'enjeu de notre relation au monde. Il en va des trous comme des dedans des vases, comme des dedans des chas, comme du zéro au dedans des nombres, peut-être comme du vide quantique, en tout cas comme du rien qui traverse l'entre deux des sexes dont nous faisons surgir techniques, arts, connaissances ou sentiments : il sont creusés-créés par l'ingéniosité et l'imagination des langages humains, ils permettent de voir et de faire ce qui les entoure, ils n'existent que dans les inventions qu'ils font venir au monde. Aucun trou n'est d'abord. Mais il est de prime abord, au premier abord : désigné, toujours, délimité par le signe de son absence qui permet une révélation de ce qu'il n'est pas.
L'écriture poétique ici, littéralement et dans tous les sens, nous y fait penser.