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Au XVIIIe siècle, l'heure, jusque-là indiquée par la hauteur du soleil, le son des cloches ou le rythme des marées, devient un chiffre donné par les horloges. Paru pour la première fois en 1967, cet essai analyse l'évolution du rapport au temps dans le processus d'industrialisation des sociétés occidentales et montre en quoi il est un élément central du processus d'évolution capitaliste. Dans une langue très accessible et parfois même fleurie, Thompson décrypte minutieusement les conditions de mise en place du travail " moderne " qui, loin d'être le simple résultat d'une évolution " naturelle ", sont issues de processus interdépendants. Avec la révolution industrielle, une nouvelle organisation de la journée de travail se met en place (spécialisation des tâches, organisation verticale, abandon progressif du travail à domicile...). La présence de l'horloge sur le lieu de travail comme dans le village et même à la maison est un symptôme - en même temps qu'un élément clé de cette dynamique - de la fonction du découpage temporel objectivé, et de sa maîtrise par les patrons, dans le type nouveau de production et de travail qui s'étend à cette époque. Le " temps-horloge " va petit à petit s'imposer et remplacer le " temps-nature " qui régentait jusqu'alors les journées des travailleurs. La révolution industrielle est ainsi corrélative d'une nouvelle conception du temps dans laquelle celui-ci doit être maîtrisé, exploité. De l'organisation du travail à la planification des loisirs, de l'exploitation de l'espace à la conception du quotidien, ce sont toutes les structures de la société capitaliste moderne qui naissent des rouages du temps mesuré. « Sur cette question du temps justement, les éditions La Fabrique viennent de rééditer un exemple éclatant de travail historique, aussi érudit que rigoureux : « Temps, discipline du travail et capitalisme industriel » de l'historien anglais Edward P. Thompson. Immédiatement reconnu par de nombreux chercheurs en sciences sociales comme une œuvre majeure, ce texte est vite devenu une référence très importante des « temporalistes », ce courant d'historiens, d'anthropologues et de sociologues qui travaillent sur la diversité des rythmes et des temps. Ecrit d'abord comme un long article qui paraît en 1967 dans l'éminente revue britannique d'histoire « Past and Present », il fait suite à l'ouvrage qui rend Thompson célèbre auprès des historiens du monde entier, La Formation de la classe ouvrière anglaise. Ainsi, l'historien qui travaille depuis des années sur le processus de l'industrialisation de l'Angleterre, s'attache à montrer comment le développement du capitalisme fut intrinsèquement lié à a mise en place d'une discipline temporelle du travail, grâce à l'introduction d'horaires stricts et réguliers (tels que nous les connaissons encore aujourd'hui). A partir des très nombreuses scènes de vie quotidienne retrouvées dans les archives, l'historien retrace la véritable « offensive » idéologique lancée par les entrepreneurs, dès la fin du XVIIe siècle, sur différents fronts, « contre les vieilles habitudes de travail ». D'innombrables moralistes louent alors l'établissement d'une « gestion du temps » au nom d'un mercantilisme agrémenté de considérations religieuses. Bientôt l'école apprend également à observer dès le plus jeune âge une sévère discipline quant aux horaires, que résume l'adage : « L'oisiveté, mère de tous les vices ! » Thompson note ainsi que le puritanisme, en s'alliant par un « mariage de raison » au capitalisme industriel, a appris aux individus à attacher de nouvelles valeurs au temps, et martelé dans l'esprit des individus « l'équation terme à terme entre temps et argent ». Mais, concluant sur une note d'espoir, et rappelant que toute croissance économique s'accompagne toujours d'une profonde transformation culturelle, il se prend à souhaiter qu'on finisse par se libérer d'un capitalisme mercantiliste et protestant, qui, sous diverses formes, semble durablement imposer sa loi, encore aujourd'hui. Ce petit livre nous rappelle en tout cas que l'idée de réduction de travail a, elle aussi, une histoire riche d'enseignements... » « Politis », janvier 2005, Olivier Doubre.