Prix public : 14,00 €
Les amateurs commencent à apprécier le catalogue de l'excellente maison d'édition dirigée par l'éditeur Alain Gorius, qui donne à lire quelques-uns des meilleurs auteurs maghrébins d'aujourd'hui, avec une présence marocaine affiirmée. Ici, c'est un poète fraternel, Tahar Bekri, né à Gabès (Tunisie) en 1951, qui se voit proposé dans cette collection sobre mais élégante, raffinée même, dont les exemplaires de tête des tirages sont souvent rehaussés d'œuvres dues au talent de plasticiens et de calligraphes contemporains (ici, Mohammed Kacimi). Tahar Bekri écrit en français et en arabe. Il est maître de conférences à l'Université de Paris X - Nanterre et a publié jusqu'ici une quinzaine de livres (poésie, essais, livres d'artistes). On retrouve dans ce volume marqué par les voyages effectués par le poète au Sénégal, au Mali, en Belgique, en France, en Tunisie, l'enchevêtrement des paysages, des sentiments et des émotions, certes, mais aussi une constante : des métaphores signalant l'exil, qui n'est pas seulement nomadisme ou déplacement physique dans le monde, mais aussi sentiment profond de l'exclusion d'un accord parfait avec la réalité ultime. Le poème alors tente de dire, puis de capter des rayons de lumière dans une obscurité que l'on ressent comme menaçante. On y retrouve aussi une caractéristique de l'écriture de ce poète tunisien contemporain : le sens du récit poétique en vers libres est souvent proche de l'invitation à la prière. Son poème est une invitation à nous arrêter un moment, au milieu de nos humaines pérégrinations : nostalgie, colère et dénonciation, émotion et empathie, réflexion sont alors comme des variations autour d'un même motif. Le motif de la grandeur et de la fragilité humaines. Cet "Horizon incendié" est celui du désert, qui peut être partout, et pas seulement en rétérence à un lieu géographiquement ou culturellement connoté. On sera frappé par le sens de la symbolisation, qui fait que Bekri est aussi un conteur, un suscitateur de mondes à partir d'un enchaînement de nominations botaniques, géographiques, animales, émotionelles : (...)<br><br>On perçoit bien comment, dans cette écriture souvent nominale, où l'action est indiquée parfois par des contractions et des rapprochements de métaphores qui fixent en contrepoint aux groupes verbaux l'action décrite dans sa nouaison la plus essentielle, se joue un double mouvement : celui du passage et celui de l'arrêt. L'eau et le vent sont ici tout autant convoqués que les irnages disant le feu, la clarté, la lumière ou bien leur antithèse, la noirceur, la calcination, la brûlure, afin de montrer encore ce double mouvement de navette entre le permanent et l'éphémère, entre l'ombre et la plénitude, et qui indique la déchirure ainsi qu'une possible réunion. (...)<br><br>Et c'est de la condition humaine encore que parle ce poète chaque fois qu'il questionne le monde et scrute au plus profond de lui-même l'état des lieux (...) Eric BROGNIET