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Le déplacement forcé en Colombie touche une majorité de femmes et d'enfants qui, pour fuir un conflit armé ravageant leurs campagnes natales, se réfugient dans l'anonymat des périphéries urbaines. Ce travail de recherche, réalisé auprès d'une association de femmes déplacées à Bogotá, s'attache à souligner la manière dont une organisation sociale destinée à faire face à l'exil peut se convertir en espace d'interactions au sein duquel les femmes redéfinissent leur position dans la société. L'étude du collectif Yo Mujer (Moi Femme) et des trajectoires individuelles de ses membres révèle un processus d'insertion urbaine singulier. En dépit de l'expérience traumatique de l'exil, l'environnement urbain et la participation associative sont propices à une forme d'émancipation de ces femmes déplacées. Mobilisant un panel de stratégies innovantes face à l'épreuve traversée, elles se posent en actrices de la reconstruction. L'interpénétration du discours collectif et des expériences individuelles favorise le développement d'une conscience de genre et l'apprentissage de la citoyenneté. Les exilées peuvent alors revoir leur statut au sein de la famille et dans la sphère publique. Ainsi, l'expérience du déplacement est à envisager au-delà de la migration forcée. On découvre des femmes qui, dotées de mémoire et de valeurs sociales acquises lors des différentes étapes de socialisation, de victimes deviennent des sujets actifs, et qui aspirent à maîtriser le cours de leur vie et à être elles-mêmes. « Déplacés », ces destins le sont donc au-delà de la dimension géographique du terme et laissent place à de nouvelles perspectives, à des « futurs éclairés » reposant sur la (re)connaissance de soi, des autres, de ses droits.