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Est-ce que c’est grave si je suis méchant ? Ou juste un peu cruel ? J’en ai déjà tellement bavé que j’ai bien mérité de me venger sur un plus faible que moi, non ? De toute façon, lui aussi est probablement coupable de quelque chose, d’une façon ou d’une autre. Et puis si on n’a même plus le droit de se tuer les uns les autres, c’est plus du jeu… Après “La nouvelle aux pis” et “Bouquet bonheur”, dont les labyrinthes implacables avaient tétanisé d’effroi et d’admiration plus d’un lecteur innocent, Stéphane Blanquet revient à son petit théâtre d’ombres avec une pièce plus noire qu’un tombeau. En ne nous donnant à voir que les silhouettes affûtées de ses personnages, il fait de nous des voyeurs embusqués, témoins imprécis d’un drame où le crépuscule multiplie les faux-semblants. En faisant du contre-jour son complice, Blanquet réintroduit du mystère et de la confusion là où les histoires avaient pris l’habitude de rendre trop claires les circonvolutions de l’âme humaine. Passé et présent se mélangent dans cette “Vénéneuse aux deux éperons” pour former un écheveau qu’on ne dévide pas sans se souvenir que le destin des hommes est moins lié à la fatalité qu’aux poisons qui leur rongent le coeur depuis la nuit des temps.