Prix public : 19,00 €
Bien qu'Henry Poulaille ait choisi de qualifier son livre de roman, ce n'en est pas un, du moins au sens que l'on donne habituellement à ce terme. En effet, c'est dans sa propre vie que l'auteur a puisée pour écrire Les damnés de la Terre, publié pour la première fois en 1935. Le personnage central, un gamin de dix ans, nous fait revivre l'ambiance d'un quartier populaire du 15e arrondissement de Paris pendant les années 1906-1910, grouillant de vie, avec ses moments de gaieté, avec ses difficultés et ses drames. C'est la vie de tous les jours de ces damnés de la Terre, comme il a choisi de les appeler, faisant référence au refrain de l'Internationale. Car Poulaille a grandi dans ce quartier, dans ce milieu. C'est son monde, celui de sa famille et de ses proches, de ses copains de jeux et d'école. Avec son regard de gosse déluré, il a su observer et graver dans sa mémoire des scènes qu'il a pu restituer, sans misérabilisme ni condescendance, 30 ans plus tard. Cela donne un mélange de scènes pittoresques, ponctuée de dialogues que Poulaille a su transcrire, avec les accents et les savoureux tics de langage du parler populaire. Cela nous vaut aussi des passages pleins d'émotion, qui relatent les difficultés qui marquent la vie de ces hommes et de ces femmes du peuple. L'intérêt de l'ouvrage ne s'arrête pas là. Le narrateur côtoie le milieu de son père, ouvrier charpentier, militant actif de la CGT, dans laquelle le courant syndicaliste révolutionnaire était majoritaire. Il a été témoin des préoccupations, des luttes qui ont marqué cette période. Car dans ces années-là, le mouvement ouvrier était vivant et remuant ; il connaissait des événements qui font encore référence de nos jours : les discussions sur la loi de séparation de l'Église et de l'État, les débats au sein de la CGT qui se conclurent par la célèbre charte d'Amiens, les grèves des postiers et des cheminots, durement réprimées par Clemenceau. Plusieurs des ouvrages d'Henri Poulaille, tirés aussi de sa propre vie, comme Pain de soldat et Le pain quotidien, ont régulièrement été réédité par les éditions Grasset. Mais c'est la première fois depuis 1945 que Les damnés de la Terre reparaît.