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Publiée en 1980 par l'Association américaine de psychiatrie, la 3e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, ou DSM-III, a marqué une cassure dans le champ de la médecine mentale. « Simple » classification systématique des maladies mentales au départ, son influence a largement débordé du champ clinique. Les catégories du DSM-III (et de ses successeurs, jusqu'au DSM-5) ont forcé à une recomposition majeure toute la recherche moderne en psychiatrie, en psychopharmacologie et en épidémiologie, altérant les conditions de prise en charge des malades, jusqu'à s'élever au rang de normes dans les évaluations contemporaines en santé mentale. Or le DSM a fait l'objet d'un nombre considérable de reproches. Car si certains se réjouissent que le DSM ait renvoyé aux poubelles de l'histoire l'ancienne psychiatrie « préscientifique », la psychanalyse et, en général, les opinions subjectives sur la folie, d'autres y voient « la mort de la clinique » une version à la fois scientiste et déshumanisante de la psychiatrie. Toutes ces objections ont un point commun : elles reposent sur une connaissance très partielle de l'histoire du DSM, du contexte de son élaboration, et des raisons complexes, épistémologiques comme institutionnelles, qui ont présidé à ses révisions successives. Pourquoi le DSM fait-il donc si peur ? Et ceux qui prônent ce nouveau style scientifique en psychiatrie y ont-ils gagné autant qu'ils croient ? Il convient donc de préciser la nature de la révolution épistémologique opérée par les DSM. Qui furent les psychiatres à l'origine de ce projet ? Quelles furent leurs cibles polémiques et leurs méthodes ? Quelle conception, enfin, se faisaient-ils de l'objectivité en psychiatrie ? Répondant en détail à ces questions, Steeves Demazeux révèle l'étonnante singularité du projet qui a conduit au DSM, pour mieux réfléchir aux difficultés qu'il continue de soulever.