Prix public : 14,00 €
Ce petit livre tient de l’automédication. Il est né d’un texte d’humeur publié en revue2, que j’avais écrit pour me décharger de la bile accumulée après une longue fréquentation de la presse et des radios, simple saignée verbale pour combattre une lente intoxication à l’anglais. Ma guillotine ayant reçu bon accueil, on m’a demandé de l’amplifier pour cette collection de « placets invectifs ». Placet dit sa nature : « écrit adressé à une personne détenant un pouvoir pour lui demander justice ». Invectif dit son humeur. Quant à sa méthode, elle doit presque tout au hasard. Ayant glané durant quelques mois ce qui se présentait touchant mon sujet – enseignes et affiches des rues, propos entendus à la radio, diatribes sur les réseaux sociaux, citations prélevées durant mes lectures –, et ayant rappelé à moi, du fond de mon Monomotapa, quelques leçons tirées de mon expérience professionnelle, j’ai vu les idées naître spontanément : je me suis contenté de les organiser aussi clairement et distinctement que possible, selon les recommandations de l’école. Pour n’être ni sociologue (mais quand on a appris à lire dans Jules Verne et à penser dans Engels, n’en sait-on pas assez ?), ni linguiste, hélas (ce vieux rêve qui me poursuit : gravir l’escalier en spirale de la tour de Babel et posséder toutes les langues…), pour n’être ni Bruno Latour ni Claude Hagège, doit-on se priver de raisonner de la société et de la grammaire, comme tout un chacun ?
D’autres, plus savants, ou plus habiles, ou plus ulcérés feront mieux. Mais si cette thérapeutique à usage personnel soulage quelques lecteurs exaspérés, si elle irrite le mal qui travaillait sourdement quelques autres sans qu’ils en soient conscients, elle n’aura pas été vaine. « Jamais notre langue n’a été aussi malmenée<br />
et jamais à ce point mal aimée » écrit Gérard Cartier<br />
dans le texte liminaire de ce petit livre d’humeur. Et<br />
il ajoute : « Quand elle n’est pas dénigrée pour des<br />
motifs où elle sert de bouc émissaire à d’autres combats<br />
(la lutte contre le sexisme, par exemple), elle est<br />
trahie au profit de l’anglais, qui se voit paré de toutes<br />
les vertus. »… Ainsi verra-t-on un Commissaire (français)<br />
de la Commission européenne écrire une lettre<br />
officielle à un ministre de Gouvernement français en…<br />
anglais ! Ou, plus absurde encore, la couverture d’une<br />
récente anthologie de la poésie française s’orne-t-elle<br />
de la photographie d’un panneau lumineux rédigé<br />
en anglo-américain ! Devant ce qu’il convient bien<br />
de caractériser de moderne « servitude volontaire »,<br />
l’essai de Gérard Cartier, qui fouille les recoins de<br />
ce désamour de notre langue, est d’autant plus vivifiant<br />
qu’il traite son propos avec un humour salvateur.