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L’espérance légitime pourrait sembler relever d’un genre littéraire ou philosophique. Cependant, c’est parmi les concepts juridiques qu’il convient aujourd’hui de la ranger. La Cour européenne des droits de l’homme a entrepris de lui donner une chair juridique qu’avec les juridictions nationales, elle semble résolue à préserver. Dans la teneur indécise et ondoyante du droit, l’espérance légitime est parfois aussi difficile à cerner que le droit lui-même. Elle navigue entre une notion aux caractéristiques globalement établies et une idée plus générale qu’elle paraît partager avec tant de figures plus classiques de la sphère juridique que l’on nommerait volontiers confiance légitime, attentes légitimes ou de manière plus transversale sécurité juridique, prééminence du droit, etc. Révélée au cœur de la jurisprudence relative à la protection du droit au respect des biens dont elle constitue une pièce maîtresse, l’espérance légitime se déploie selon deux modalités. Dans une fonction immédiate, elle est devenue un véritable instrument de concrétisation des droits et intérêts du justiciable. Dans une fonction médiate, de laquelle se nourrit, dans une certaine mesure la première, elle tend à être un vecteur de fluidité dans le fonctionnement de plus en plus complexe du droit. En effet, par ses caractéristiques, loin d’appeler à figer le temps du droit, elle devrait faciliter une meilleure collaboration entre les acteurs de la fabrique du droit. Loin d’être une arme aux mains d’un acteur, elle appelle à la vigilance de tous aux fins d’une meilleure prise en compte de la situation des justiciables. De ses origines sentimentales, l’espérance (légitime) apporte au droit cette sensibilité qui renforce son effectivité.