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Cette étude s'attache à mettre en évidence la cohérence profonde d'Alcools par-delà ses évidentes disparates. Elle la décèle dans la quête d'une identité chez un homme sans père, donc sans nom, sans patrie, sans langue propre, même, et qui, de texte en texte, au gré des figures convoquées, se livre à de multiples identifications, faisant ainsi l'épreuve que je est plein d'autres. Les poèmes du recueil de Guillaume Apollinaire sont une scène où défilent les foisonnantes silhouettes d'une culture protéiforme. Cet héritage lui tient lieu de filiation. C'est aussi un fardeau, et ce legs secourable est une collection de «morts» dont il lui faut s'affranchir, de figures paternelles dont cet éternel fils doit se défaire. Il le fait en les jetant dans «le brasier» de sa poésie. En modulant son chant dans ces voix multiples qui font du livre de ce génial polyglotte une œuvre étonnamment polyphonique, le poète n'a pas seulement entrepris de remembrer les mille morceaux de son identité éparse, il a découvert que son moi n'avait pas d'autre consistance que celle que lui conférait le défilement indéfini, sur la page, des mots, des motifs, des images, des formes, formes d'ailleurs souvent très savamment tordues, voire brisées, pour que le sens, cessant d'être univoque, s'y aventure en liberté, quitte à s'y perdre, afin que l'écrivain puisse jouir des vertiges de l'altérité sinon même de l'impersonnel.