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“ L’interprétation courante de la lyrique des troubadours donne ces poètes pour les chantres élégants de l’amour dit « courtois » : amour sensuel pour une belle et noble dame - appelée midons “mon seigneur”, domna, amor (féminin en langue d’oc) ou simplement elha, lieis - que la « sociologie de la fin’amor » a identifié à l’épouse du seigneur féodal, convoitée par les jeunes chevaliers célibataires vivant au château en attente d’un fief. Cet amour adultère aspirant en vain à la possession (« paradoxe amoureux » de Leo Spitzer), traduirait donc, selon l’hypothèse élaborée en particulier par Erich Köhler, la sublimation des pulsions sexuelles (en même temps que des tensions socio-économiques entre haute aristocratie et petite noblesse) qui hantaient ces jeunes mâles inquiets et frustrés. Mais les choses ne sont pas si simples. Il faut interpréter la lyrique médiévale à la lumière de la culture d’une époque dominée par la pensée symbolique et par l’exégèse allégorique de la Bible. La polysémie de l’Écriture devient ainsi, bien avant Dante et Pétrarque – grands connaisseurs des vulgares eloquentes occitans – le modèle par excellence de la poésie vulgaire. Une relecture attentive de la lyrique des troubadours amène à découvrir dans ces textes une profondeur de pensée, une variété d’intérêts (même politiques), un jeu ambigu et subtil d’allusions de nature à changer radicalement notre perception de la poésie amoureuse médiévale.