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Ce numéro se propose d’offrir un tableau de l’apport des philosophes aux réflexions sur la Shoah, dont il s’efforce de présenter diverses faces. Quoique la majorité des philosophes convoqués fut contemporaine du IIIe Reich et du nazisme, un abîme souvent les sépare. Il y a ceux qui, de près ou de loin, furent victimes (Jean Améry, Hannah Arendt), ceux qui n’ont « rien vu » (Paul Ricœur), ceux qui ont acclamé le Reich et la « destruction des Juifs d’Europe » (Heidegger), contribuant à faire sombrer la philosophie avec eux. Où l’on voit que la Shoah des philosophes n’est pas celle des historiens… C’est à Raphael Lemkin que nous devons à la fois le terme et la notion juridiques de génocide, l’un des crimes contre l’Humanité. Une telle caractérisation tient sa signification de la certitude que l’idée d’une humanité une et universelle renferme un sens et une valeur à protéger. Il faut protéger l’humanité en chacun et non pas traiter les êtres humains ni comme déchets bestiaux (marqués pour l’abattoir) ni comme marchandises (à acheter ou vendre) – de même qu’il faut protéger la « famille humaine ». Or notre époque a nourri quantité de vues savantes qui récusent, démystifient, déconstruisent toute idée d’humanité et toute conception de l’humanisme, pour des motifs tant scientifiques que philosophiques.