Prix public : 22,00 €
édition bilingue / inédit "Styx" est le premier recueil d’Else Lasker-Schüler (1869-1945). Il parut en 1902 à Berlin, chez Alex Juncker. Tout est là, déjà, de son univers poétique, en son tissage de configurations imaginaires, d’une judéité indissociable d’une féminité, et d’images transmises de génération en génération, dont elle insuffle en retour pareillement la vie. Monde parallèle poreux à la vie donc, mais aussi contre-monde poétique de liberté, exaltant les sens en une offrande de désir, où l’érotisation du corps de la femme n’en est pas moins le corps du texte d’une langue elle-même érotisée. Poèmes-chansons et comme le titre de l’un d’eux en ce livre « Chanson-Danse ». Poèmes- adresses tout aussi bien, à un « Toi » ou à un « Tu » multiple, explicite lorsqu’elle s’adresse à la mort qu’elle apostrophe – « Que veux-Tu de moi, la Mort ! » (« Jeunesse ») – autrement moins saisissable, double: un amour, Dieu... Sa mère, morte en 1890, dont elle garda sa vie durant la nostalgie d’un amour maternel, est là aussi, et son fils à qui elle donna le même prénom que son frère Paul mort quant à lui à 21 ans en 1882... « Tes yeux regardent pleins d’espoir devant ma vie » est le premier vers de son poème « Étoiles du Fatum », où « D’étranges étoiles regardent fixement vers la terre ». Le « moi », lui aussi multiple, sien biographique assimilé au « moi » de son poème « Sulamite », se « dissipe dans l’espace, / Dans le temps / Dans l’éternité ». Il se peut ailleurs celui d’un vent comme elle brûlant allant se refroidissant – « Moi, le vent brûlant du désert / Je me refroidissais et prenais forme » (« Douleur du monde »). La forme qu’elle prend ici est celle d’un Sphynx en pierre... «Toi», «Moi» enfin qu’appelle de ses vœux un «Nous» impossible, sinon sans durée: « Je nous voulais, Toi et moi, une énergie, / D’un même sang » (« Viva ! »). * «Elle a des ailes et des entraves, la jubilation de l’enfant, la ferveur de la bienheureuse fiancée, le sang las de millénaires d’exil et de blessures chargées d’ans.», écrivait d’elle Peter Hille, le « Saint Peter Hille » du poème lui rendant hommage, « L’Ange déchu ». En ce portrait, il y voyait aussi « une Sapho qui a vu l’univers se briser en deux morceaux. » (présentation de l'éditeur)