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Ruine balance reprend le flot du Journal de l’attente et de Nuit témoin, fait corps avec eux, constituant ainsi le troisième volet d’un triptyque, se déployant comme le livre de la « renaissance », de la traversée, du passage, après la perte et l’effondrement : « tout l’été enterrer nuit témoin ».Et si « le désastre n’est jamais scellé », l’obscur, la ruine toujours là, en flux et reflux, en remous, « capable le désir attaque / au cinquième coup du matin / dans le corps l’abondance s’obstine / reconnaître à la vue l’avidité ». Ruine balance, alors, c’est aussi jeter le passé par-dessus bord, un délestage. C’est vouloir s’ouvrir au jour, à l’été, la chaleur, l’ailleurs, et toujours et encore au désir, à la jouissance, en « rythme et forces d’aller », en « travail sur l’impact d’un verre qui se brise ». Ici on quitte la chambre de la nuit pour le dehors, pour un Sud qui comprend Brésil, Portugal, Mexique, Espagne (mais aussi une multitude de lieux d’ici et là, Toulouse, Paris ou Brest), là où « la langue nomade envahit », mots et noms étrangers qui affluent alors tout au long du poème « y segunda lengua ». Comme l’a si bien relevé Laurent Albarracin à propos de Nuit témoin, l’écriture de Laurine Rousselet est « une écriture du désir, du corps amoureux, livrée au passionnel et au pulsionnel, à l’éperdu et à l’organique, et en même temps une écriture de l’effort, de la volonté, du travail, de la maîtrise de soi ». Ici plus que jamais chez Laurine Rousselet, « crire résiste et investit l’espace », « ruine balance répond à l’échappée » et « parcourt l’immensité du mour ». Crire et mour, deux néologismes propres à l’auteure, crire qui est crier et écrire, mour qui est amour et mourir, qui pourraient exprimer à eux seuls, comme tensions contraires, l’intensité fiévreuse de son écriture, son aspect épique et sauvage, ardent, exalté et sexuel, où « le corps quadrille la scène », « le sexe partout s’expose ». De manière percutante toujours, avec des vers à la syntaxe élémentaire d’une très grande acuité sensorielle et charnelle, qui halètent et jaillissent sur la page.Encore une fois, Ruine balance montre comme chez Laurine Rousselet crire est « s’enfoncer dans le vivre », « continuer d’éclairer [malgré le « claquement des ans », « l’heure intérieure » qui émaillent le poème] / de page en page / avec perte solitude et franchissement », ce « flot incommensurable / au-dessus de la perte / le torrent entre bleu et pourpre ».