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L'extrait Sa danse vient des profondeurs. Une transe qu'une technique parfaite fait monter à la surface. Elle n'exécute pas : elle vaticine. Un feu intérieur la rend incandescente. On doit brûler à son contact. Elle a été choisie par le ballet. Une forme d'envoûtement. De possession par ces esprits mi animaux mi humains de la santeria qui peuplent la forêt cubaine, rôdent dans sa peinture et sa littérature. Par ce monde hâbleur, fourmillant, qui prolifère dans la chaleur humide des tropiques. Quelque chose de ces êtres invisibles et merveilleux lui est entré dans le corps tandis qu'elle somnolait dans le souffle ronronnant d'un ventilateur. Ça l'a prise tout entière des orteils au bout des ongles, qu'elle a toujours beaucoup soignés. L'esprit du ballet. Dans ce pays où danser au rythme syncopé d'un orchestre est une seconde nature, où le corps se déhanche dans la tiédeur lascive d'une nuit tombée d'un bloc. Elle est née de ce creuset-là, de cette sensualité-là. La danse a pris possession de son corps très tôt, dans la toute petite enfance, comme pour tous ceux qui vivent dans cette île. Simplement, elle a posé sur ce rite ancestral une forme plus exigeante, des mouvements plus contraints. Il y a eu cette rencontre : un mouvement libre, coulé dans les rythmes afro-cubains, et une grammaire savante, venue de Russie et d'Europe, que peu dans un siècle transcendent jusqu'à lui donner une évidence de langue natale. Le corps vole, effleurant à peine le sol. Elle a été de celles-là, avec quelques Russes et trois ou quatre Européennes.