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Ce qui frappe d'abord dans la poésie de Frédéric Dieu, c'est son ampleur. A la différence des haïkus de Bashô ou des miniatures de Jean Follain - une inclination spéciale le portait à ce genre de poésie -, il préfère le court paragraphe ; à la forme brève, la marche longue. Rien pourtant de l'accumulation baroque. Ampleur n'est pas surcharge. La longueur ici est moins pour additionner de la matière que pour prolonger le dépouillement : «À se laisser dépouiller de ses jours et laisser choir leur écriture.» Il faut tourner la page, puis une autre, puis une autre encore, comme on ôte les épaisseurs d'un vêtement. C'est comme si ce qui venait d'être dit n'était rien encore, et qu'il fallait relancer l'approche, avancer une nouvelle formule qui finira par tomber encore, comme une coque brisée, pour laisser enfin paraître l'amande d'une présence éblouissante, absolument certaine et totalement incomprise. Chaque autre page s'ajoute ainsi pour opérer la soustraction de la précédente, et assurer jusqu'au bout l'oeuvre de dépouillement dont témoigne toujours la dernière ligne, avouant qu'elle n'a pas le dernier mot : «Aveugle attendant que dise une voix la neige ôtée des yeux.»Ce qui nous saisit au coeur, nous ne pouvons en parler, mais nous ne pouvons davantage le taire. Il ne reste plus alors, au terme de l'effeuillement des pages, que «exclamation et suspension», soit l'effroi et la supplique, soit l'adoration et la louange, qui sont la tâche sabbatique que Frédéric Dieu assigne à ces Processions poétiques.