Prix public : 10,00 €
érable et cetera, Laurent Huron (critiques)
Mi-poème mi-récit, forme hybride donc, érable et cetera est un livre qui demande de la lenteur. Lenteur de l’arbre qui pousse peu à peu, lenteur qui permet d’entrevoir ce qui se trame dans ces pages. « Nous ne raconterons pas l’histoire » est-il écrit, puis : « chute secret ».
Il y a du secret dans ce livre, où résonnent pourtant des voix, des bribes de récits, où l’on entrevoit certains paysages. L’érable, celui du titre, celui dont il est question dans le texte, serait le témoin, muet, d’instants. Au travers de l’érable, il s’agit de voir : « voir une seule chose mais la voir / aussi profondément qu’un tissu ». Alors émettons une hypothèse : celle d’une vie, d’une famille par exemple, qui serait vue par fragments, à mesure que croît l’érable. Une famille dont le texte rendrait compte à la manière d’un traité de botanique : « ce sont les voix venues de l’arrière / la prise les étais le plagiat l’imposture / l’extrados l’incorporation aux chairs / les citations relevées de la grand-mère / les papiers que l’on donne don d’une parole / c’est le tombeau où l’on vient s’asseoir / chaque chose est à sa place incontestable […] ».
L’érable est peut-être tout simplement un lieu de mémoire, une place forte, où se retrouvent quelques sensations et quelques voix.
L’écriture de Laurent Huron, pourtant simple au premier regard, exige de la patience : celle de laisser le texte faire son œuvre en nous, par petites touches, et l’on finit convaincu par cet art poétique : celui de « l’à-peu-près bricole de la vibration ».
Eric Pessan, « Laurent Huron, érable et cetera », Encres de Loire, n° 54, hiver 2010, p. 16
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Le Sentiment géographique : je tiens ce titre de Michel Chaillou pour l’un des plus beaux de la littérature française. Eh bien, nous sommes gagnés par un sentiment botanique à la lecture du livre de Laurent Huron : le texte comme plantation, bouturage, greffe, marcottage, écosystème.
Laurent Huron, dont on connaît le travail comme directeur de la collection Carnets d’usines chez MeMo, est aussi présenté par l’éditeur de ce livre comme « marcheur, planteur et collecteur ». Ne défend-il pas ce séduisant programme : « Travailler moins pour marcher plus » ? Sa poésie est un vagabondage aux marges de la ville. Parfois, les mots se font rares, éclats mangés par le blanc de la page ; parfois, il s’emballent comme le rythme d’un pas, le débit d’une voix ; à d’autres moments, sont brossés d’exacts tableaux de la nature en ville : « Dans le ballast d’une voie ferrée désaffectée, entre silos et usine électrique, à l’endroit précis d’un aiguillage, un érable sycomore s’est enraciné. Coupé à plusieurs reprises, l’arbre développe un tronc multiple. De nombreux déchets jonchent le sol. »
Autant qu’à l’errance, c’est au décentrement que nous invite l’auteur, un peu à la manière d’un Alexis Gloaguen ou du Jacques Lacarrière du Pays sous l’écorce : la ville presque sans hommes, presque sans bâtiments, travaillée