Prix public : 15,00 €
Dès les premiers paragraphes, je me suis posé une question :
Est-ce que JBJ (l'auteur) était sur les lieux des scènes qu'il décrit ?
Cela dit, pour évoquer correctement des situations intenses, un auteur a-t-il besoin d'en avoir vécu de similaires ? Agatha Christie vivait-elle sous un couvercle de faux-semblants ? Victor Hugo avait-il connu la misère des bas-fonds parisiens ? On répondra bien sûr qu'un auteur peut se documenter, lire ses prédécesseurs, inventer. N'est-ce pas à l'auteur de faire preuve d'imagination, d'inspiration, d'intelligence - surtout l'auteur de polar qui brouille les pistes à souhait ?
Pourtant, Chemin du bout du monde est un roman criant de vérité. Jean-Benjamin Jouteur a puisé aux tréfonds de l'âme humaine pour dessiner ses caractères. A-t-il vécu ce qu'il raconte - ou du moins a-t-il été témoin dans cette cavale qui tourne mal ?
De mon point de vue, ce roman noir a une tonalité foncièrement différente de celle d'autres livres de cette catégorie, dont j'ai été une lectrice compulsive entre 20 et 30 ans.( Ensuite, il est vrai que je suis passée à autre chose... Bref.) Dans ce Chemin du bout du monde, on entre dans un univers parallèle, imaginaire peut-être mais tissé des mêmes fils de rêve, d'espoirs, d'échecs et d'ambition que notre propre réalité. Chaque personnage est immense du non-dit qu'il véhicule. Les "méchants" même ont une dimension d'humanité qui excède la moindre tentative de jugement à l'emporte-pièce.
Et pourtant, comme dans la tradition du genre, la lumière se fait au fil d'une histoire bien sombre. Elle éclaire des parts d'ombre qu'on croyait révolues et devient tellement forte que certains faits réagissent en miroir. Du coup, tout n'est pas complètement expliqué - car dans la vie, tout n'est pas complètement explicable.
Reste la poésie des descriptions et des images qui cisèlent l'ambiance de chaque scène. Comme au théâtre, le roman représente les paysages avec des mots noirs sur blanc (ou l'inverse, sur ma liseuse) mais ce qui crée l'émotion est entre les lignes, dans les cœurs battants qui les ont dits ou qui les lisent*.
L'histoire vous écoute
Dès les premières pages, le cadre est posé en plusieurs tableaux nocturnes qui donnent des clés pour la suite. Quand il a été question de l'urbexeur, j'ai reconnu la couverture en même temps que j'apprenais le mot. (Il désigne un "mec qui s'éclate à explorer et filmer des lieux abandonnés" - p57).
C'est plutôt glauque et embrouillé comme début, sauf que les portraits des personnages sont d'une remarquable intensité. L'homme pourchassé qui a le cran de saboter la voiture de ses agresseurs sous leur nez... La jeune bourgeoise dépressive et terrorisée. Les tenanciers bon enfant d'un bar de campagne. Et surtout, la commandante de gendarmerie Christine Cartier qui n'en fait pas justement, de quartiers, avec son franc parler et son attitude sans concessions. La préface de PolJack lui rend un bel hommage, qui attend une réponse, j'espère.
Entouré d'