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REVUE TRAVERSEES
Au plus profond de mes tristesses, j’ai longtemps cru qu’il n’y avait rien. Rien et moi et mes épaules lourdes du regard des autres. Ceux qui ne faiblissent jamais et qui portent sans jamais en douter toutes les certitudes qui leur permettent d’aller de l’avant sans bifurcations inutiles ni par les pleurs, ni par les rires des remises en questions.
Je suis dans le terminal F ou D de l’aéroport Charles-De-Gaule, un de ces lieux que l’on veut vaste. Structures métalliques et verrière, pas un seul mur. Pourtant, si je n’avais un livre pour me réfugier comme un escargot dans sa coquille, je craindrais à tout moment la brûlure fatale.
Ce livre est « L’Hypothèse du Tout » mais il aurait pu s’agir de n’importe quel autre livre. Car un livre, quand il est bien écrit, ouvre toutes les voies du possible, ouvre les portes d’autres univers qu’on ne soupçonnait pas et quand il s’agit de poésie, les champs s’élargissent encore pour atteindre ces endroits non clos où l’infiniment petit et l’infiniment vaste se côtoient. C’est sans doute pour cette raison que je crois qu’il est bon, sinon indispensable qu’un poète se tienne au courant des avancées scientifiques de son époque et des époques antérieures concernant l’univers dans lequel il vit. Car la réalité ou les réalités selon le point de vue qu’on adopte dépassent parfois nos rêves les plus complexes pour les nourrir. On peut finir par admettre que sa propre mélancolie, son mal-être n’a rien d’absolu. Il n’existe que par rapport à une situation bien particulière et dans mon cas, le point de vue d’une société occidentale consumériste qui rejette en masse les citoyens qui ne peuvent ou ne veulent satisfaire aux critères qu’elle pose en lois universelles.
« L’hypothèse du Tout » en se référant à la théorie d’Evrett (https://lejournal.cnrs.fr/billets/peut-tester-les-univers-paralleles et https://fr.wikipedia.org/wiki/Théorie_d%27Everett )a cet effet bienfaisant de ne plus faire croire qu’il est utile de se placer soi et ses petits bobos au centre du monde afin de pouvoir exister. L’existence n’est pas ce qui consiste à réfuter au profit d’une vision égocentrique le caractère multidimensionnel de la vie. Au néant vide et desséché, l’auteur oppose un Tout multiple qu’il ne faut pas confondre avec un Dieu unique auquel il faut croire sans comprendre, duquel il faut attendre qu’il nous donne lois et mesures qui satisfassent nos angoisses individuelles. A cette entité individuelle, fermée et qui ne peut maîtriser sa trajectoire, il oppose l’être, l’existence, ce que nous sommes précisément à un moment donné, en un endroit quelconque et qui est en mesure d’imaginer, de rêver, de concevoir un monde qui contiendrait bien plus que trois ou quatre dimensions.