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S'il est un écrivain dont la célébrité a grandement desservi la connaissance de l'œuvre, c'est bien Paul Valéry. Passage obligé des écoliers, de ce poète malgré lui, qu'une lucidité féroce portait à renoncer aux fétiches de la littérature, nous avons tous lu au moins quelques vers. Mais qui connaît le produit de son « vice » matutinal, cet entretien infini avec lui-même qu'il poursuivit cinquante années durant, griffonnant chaque jour ses réflexions, à l'heure où d'autres célèbrent l'office de matines ? Cette « contre-œuvre » — 26 600 pages réparties dans 261 cahiers —, rétive à toute unité falsifiée, s'offre aujourd'hui à nous comme ressource infinie de pistes et interrogations sur une infinité de thèmes. Compte rendu obstiné de l'enlisement que constituent nos idoles innombrables, raison, histoire, identité, langage, etc., l'anthropologie qui s'y livre — par nature insolite et incodifiable — appelle le contrepoison d'une présence à soi non tronquée, invite à l'échappée hors nos aliénations consenties, convoque des résonances aptes à secouer « l'appareil énergétique de la vie ». Paru dans sa totalité pour la première fois chez Gallimard en 1942, Mauvaises pensées et autres est un recueil composé pour beaucoup de fragments (plus ou moins remaniés) tirés du chantier « éternellement provisoire » que sont ces Cahiers, et constitue une excellente ouverture à l'esprit qui les anime. Éclats de parole qui ne demandent qu'à rafraîchir notre regard sur les choses et nous-mêmes, on ne trouvera dans cette écume recueillie « in media nocte » aucune réponse, aucun système, aucun prêt-à-penser, aucun « faux équilibre ». Car si équilibre il y a, ce ne peut être que celui du surfeur sur sa vague : Valéry ne soumet pas son esprit, il le chevauche perpétuellement. Et si ruptures, contradictions ou discontinuités sont fréquentes, elles ne sauraient briser le dynamisme qui le porte.