EAN13
9782957899777
Éditeur
EDITIONS ATMEN
Date de publication
18 mai 2023
Collection
SUR LE MOTIF
Nombre de pages
64
Dimensions
14,7 x 10,3 x 0,4 cm
Poids
50 g
Langue
fre

La Déployée / Des Pas Sur Moà-Neige

Juliette Fontaine

EDITIONS ATMEN

Prix public : 12,00 €

Autrice, artiste plasticienne et commissaire d’exposition indépendante, Juliette Fontaine a déjà publié plusieurs recueils de poèmes, dont (Avant l’hiver) des fenaisons, préfacé par Yves Bonnefoy aux éditions L’entretoise en 2003 et Tu dis, aux éditions Isabelle Sauvage en 2006. Tout en continuant sa pratique artistique (dessin, vidéo, expositions, commissariats et direction du Centre d’arts plastiques d’Aubervilliers depuis 2013), elle est récemment revenue à l’écriture de manière durable et intense : ce recueil en est le témoignage le plus saisissant. Tout y résonne d’une intériorité vibrante & retenue. Quelque chose y palpite continûment : au rythme d’un intime trouvant à s’éployer ─ sans s’épancher. Les mots alors figurent & paysagent. L’autre tacitement apparaît. “J’écris dans les marges du monde”, dit-elle ─ simplement, doucement. Et à partir d’où, en effet ─ écrire ? De quel pudique endroit ─ en retrait, sans être retiré/e du monde ─ trouver à voir et à dire l’en-vers des choses, la jointure [des] corps ; la soudure des eaux ? Membrure du réel invisible jusque-là. De ces marges seulement. Là : seule, seulement, à l’écart du bruit du monde et de sa rumeur, peut se former, se déployer ─ tu as raison délie tous tes bras ─ quelque chose comme un chant : mots-musique, mots-image qui naissent du silence, trouvent là leur source : leur ombre-source précisément. Marges du monde, donc : silence _ dévalement ; germoir qui s’ouvre. Là, seulement, s’ouvre la patine noire du ciel. Là, seulement, on entend du vent le prologue et la promesse, on voit les granits et les anges ─ ceux-là même qui, nuit après nuit, la rêvent, elle : l'Énigmatique, Laylâ l’obscure ─ Lilith ourdie des mains. A l’orée du monde, l’oreille se tend, écoute l’eau _ la pluie Schönberg, se surprend engouffrée par l’entrée d’une aube et la parole tonnante qui vient avec. Tonnerre en effet ! : la parole habituelle ─ bavarde et affairée ─ vidée de ce qu’elle désigne, pour être efficace, rapidement communiquer ─ parole-affolée ─ se fait à nouveau pleine et sereine : alentie ; fait à nouveau paraître ce qu’elle nomme ─ parole héliotrope. Parole aux couleurs nombreuses, aux senteurs odorantes, entêtantes comme la plante ─ il y a ce peuplement de l’ocre, cette nausée blanche du jour aussi, que l’on sent ; parole tournée, se tournant vers le soleil, l’ombre que ce dernier fait naître & varier ─ alors on voit que l’ombre sur l’herbe recule lentement / et quitte le jardin ; on perçoit la densité brute des sous-bois. L’héliotrope, c’est aussi l’instrument qui de son miroir renvoie les rayons solaires et permet(tait) l’arpentage ; mais si la parole, dans le poème & par le poème, arpente marges du monde, s’y établit furtivement, en dresse comme une “cartographie”, dans les paysages et figures qu’elle évoque et convoque à la fois ─ oh rive rougie des yeux ; nudité insolente des bras ─ pourtant il y a dérivation nouvelle / _ lumières courbes. Car l’arpentage est du corps d’abord : mesure de ce qui ne se mesure pas ─ cette grande forme immense-ouverte plus tard d’infinis, désinscrits des routes ─ dont on il faudra bien tenter ─ oui ! : la danse nerveuse des mésanges ─ de prendre la mesure ─ l’ampleur et le rythme, le pouls aussi ─ dans l’ajustement des pas : marchant, c’est cela, dans _ à tâtons. Alors dans l’écart du Dehors ─ le pli des choses ─ le repli du corps ─ l’approche s’invente : le corps devient désir : va à l’autre ; et dans l’étreinte tentée/tentante, inverse la nomination devenue imprécation : donne-toi ton Nom / donne-toi ton Nom ─ il y a le vocable blanc des mains / offerte à la saillie lunaire ─ et maintenant le creuset visité du corps. Intensité sensible qui seule mesure l’être. “J’écris dans les marges du monde”, dit-elle ─ simplement, doucement. Et elle veut dire qu’il est possible de laisser trace de ses pas dans ces marges, que d’autres suivront. Le bruit du monde s’atténuant & sa rumeur diminuant, il y a ce bruissement retrouvé du silence où tout vit ténûment ─ de cette animalité qui caractérise alors les eaux, limpides ou troubles. Alors : l’avenir des crues / l’érection des pistils ; les loups turbulents ; cette ligue des vents limeurs et la nuit partout est une mer de lait. Car écrire dans les marges du monde, ce n’est pas seulement écrire depuis ces dernières, mais, également, s’y frayant un chemin ─ nichée contractile / géologie de notre langue ─ ou le découvrant opportunément ─ passage inattendu pour des pas dans la neige ─ venir tracer dans cet espace signes et voies : lignes d’erre que d’autres à leur gré suivront par la souche effleurée des réminiscences. Et alors, forpaysés, on trouvera devant soi l’empreinte des doigts sur la roche ─ tout un poème. “J’écris dans les marges du monde”, dit-elle.
Trouver ou

Offres