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C’est une question de lumière. Lumière de l’automne, lumièrede l’hiver. Non pas, bien sûr, que la Matheysine soit moins belle auprintemps ou en été, mais la saison des feuilles mortes et celle dela neige autorisent une autre lumière. Plus pure et plus atempo-relle. En Matheysine beaucoup de journées de ces deux saisonssemblent en attente d’un événement incompréhensible, d’uneépiphanie. Les montagnes, les lacs, les arbres sont révélés dans leur être.On l‘avait presque oublié, mais ce qu’on appelle la nature s’ex-prime, parle peut-être. Une langue certes guère traduisible maisqui néanmoins s’adresse à nous. On reste figé, émerveillé devantla fumée rose qui s’échappe des parois de l’Obiou. On hésite àfaire un pas sur une neige neuve mais qui inscrit déjà son alpha-bet de branches, d’aiguilles et d’empreintes d’oiseau. Même onsuspecte tout à coup une présence dans le reflet presque parfaitde la rive arborée sur le miroir d’un lac. Une langue donc. Des paroles. Ce qu’on appelle féérie quandon pense à Noël et qu’on ne trouve pas d’autre mot. Commesi la nature, en Matheysine, était la promesse merveilleuse qu’unsecret plus grand que nous va déchirer son voile.Ne cherchons pas une justification supérieure, divine, à labeauté. La beauté est de ce monde. Le spectacle naturel nousretient sur terre. Tout est déjà là que nous ne savons souvent plusvoir ni entendre. Quelque chose de ce vocabulaire impalpable de la naturepeut être transmis par la photographie et par le poème. Ces deuxpratiques rendent à l’œil et à l’esprit ce qu’ils avaient perçu sanss’y arrêter : le monde est un mystère et certains lieux font, plus qued’autres, émerger cette énigme. Photographie et poème rendent compte de ce possible dia-logue avec les êtres de la nature : soudain la montagne, les eauxvives ou endormies, la forêt toujours verte ou l’arbre nu, la neigesilencieuse et secrète, pour peu qu’on s’arrête pour en sentir laprésence, nous rendent notre regard. Alors on se sent seul, minus-cule, et à la fois plein de gratitude pour avoir été élu. Oui, la pho-tographie et le poème peuvent parfois témoigner de la nécessitéqui est la nôtre de trouver une terre habitable. Un lieu certes parti-culier, inscrit sur les cartes, mais immédiatement universel. La Matheysine est l’un de ces lieux.