Prix public : 15,00 €
Le premier livre de Dominique Laporte, L’histoire de la merde (Christian Bourgois, 1978), était un prologue. Il évoquait « le reste de terre » qui médusait Goethe. Il parlait des objets d’opprobre qui s’entourent toujours d’un silence qu’on méconnaît. Il prenait son départ dans la préface que Freud a donnée à l’édition allemande de Scatologic Rites of all Nations de Bourke. Mais surtout, il annonçait un autre prologue qui paraît enfin, trente ans après la mort de l’auteur. Les méditations qui composent Le deuil la nuit sont minimales. Elles sont hantées par le pressentiment de la fin qui s’accompagne peut-être toujours de la hâte d’en avoir fini. Elles affirment qu’il n’y a jamais, dans les rites funéraires, mais aussi dans nos manières de faire parler les morts, trop peu de décor, trop peu de ressemblance. Dominique Laporte montre que moins il y en a et plus nous saisissons, par exemple, dans l’écart de l’ombre et du nom, de la voix et de l’écho, de la lettre et de la figure, de la photographie et de sa légende, l’inanité de notre perception, car nous sommes incapables de nous accoutumer au deuil que réclame un monde ramassé dans une fiction. C’est pourtant dans ces écarts que prend place le rire, puisque le rire, selon l’auteur, vient d’une perte, celle qu’il éprouve en constatant que toute vision du monde, faute d’être assez naïve, reste débile. Il va de soi qu’aucun académisme n’y trouve son compte (pas plus celui des avant-gardes que celui des douairières du peloton), dès lors que le rire du mortel ne console pas, ne nous sauve pas, ne renvoie pas même au rire qui unissait et divisait les dieux.