Prix public : 17,00 €
J’entends offrir ici un bréviaire, des Petites Heures, telles celles que les nobles du Moyen Âge tenaient sur eux, où la forme donnée par Proust à sa pensée compte au moins autant ou plus que ses « idées » : celles-ci ne sont que la résultante du travail qu’il effectue sur la langue, non quelque chose d’externe qu’il s’agirait pour lui d’« exprimer ». Réduite à son contenu, une idée peut être triviale ; mise en forme par Proust, elle ne l’est jamais. En ramassant la sagesse proustienne, je tente aussi d’encourager quelque lecteur, non seulement à se lancer dans la lecture de la Recherche, mais aussi à chausser les multiples optiques proustiennes pour voir les richesses de sa propre vie. Proust écrit : « L’auteur doit laisser la plus grande liberté au lecteur en lui disant : Regardez vous-même si vous voyez mieux avec ce verre-ci, avec celui-là, avec cet autre. » Bien que, par la découpe des citations, il se produise dans ce recueil comme un début d’interprétation totalisante, il ne prétend nullement à l’exhaustivité : les stases aphoristiques par lesquelles Proust sauve le récit de sa mort sont innombrables ; cette multitude met en évidence leur fonction cruciale : arracher le Moi à la douleur de vivre, lui donner en partage, dans la généralité du présent intemporel, la consolation d’une provisoire pérennité ; ce qui est le plus souvent le but que lui donnent les moralistes. Libre au lecteur de le compléter selon ses découvertes. Les grandes œuvres le sont parce qu’elles gardent toujours leur part inépuisée, et peut-être n’en avons-nous jamais fini avec la Fin.