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Hölderlin avait le mot juste : « l'homme vit sur la terre poétiquement ». Vivre poétiquement, est-ce vivre, comme Baudelaire, l'expérience du flâneur métropolitain, qui sait « élire domicile dans le nombre, dans l'ondoyant, dans le mouvement, dans le fugitif et l'infini » ? Est-ce vivre, comme Rimbaud, l'expérience du désert africain, espace qui est une séparation et qui peut forcer la création du double et la fabrique du devenir ? Est-ce vivre,comme Maldoror-Lautréamont-Ducasse, l'expérience de la lucidité et du vertige inhumains, qui lui permet de « vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire » ? S'agit-il des modes de vivre érigés par nos poètes ? Non, parce qu'ils se font modèles sans le savoir en fondant des écoles sans le savoir non plus. Oui, parce qu'ils nous établissent un type de rapport qui lie l'être au monde, le type qui ne peut être perçu que par vivre poétiquement. Au début du XXe siècle, les poètes chinois qui se tournent vers l'Occident érigé en modèle et s'efforcent de construire, à la place de la poésie classique, une nouvelle poésie chinoise, ont-ils pu vivre poétiquement en établissant une poétique de toutes les formes qui traversent leur existence ?