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SEPT QUESTIONS A ABDALLAH ZRIKA1/ Une autobiographie en quelques mots.Né en 1953 à Casablanca. Il écrit ses premiers poèmes à l’âge de 12 ans. En 1977, il publie un premier recueil, Danse de la tête et de la rose. Le succès est immense. Mais cela a provoqué son arrestation, accusé « d’avoir porté atteinte aux valeurs sacrées ». Il a passé deux ans en prison. Sorti, il s’est consacré à l’écriture. Alain Jouffroy a dit de sa poésie : « Un poème qui transgresse l’ordre poétique, toute vieillerie poétique. Pas de lyrisme : de la matière parlante. Pas de complaisance : de la nudité affrontant toute apparence de chose et d’objet. Pas de religion ; de la sagesse réinventée. Une sorte d’au-delà réinventé sur terre. Une ouverture de l’être à l’incernable réel ». La plupart de ses recueils sont traduits en français tels que : Rires de l’arbre à palabre (L’Harmattan, 1982), Bougies noires (La Différence, 1998), Insecte de l’infini (La Différence, 2007).2/ Comment répondre à une injonction brusque : « Définissez la poésie. »Je vois toujours la poésie comme ce figuier à la couleur verte froide que j’ai vu la première fois chez ma grand-mère. Depuis, je vois ce figuier surgir dans mes poèmes. On ne peut pas la définir, c’est quelque chose qui m’éblouit de loin, un petit soleil dans le cœur, et aucun sens ne peut la contenir. Elle est presque au-delà de tout.3/ Prose et poésie, la distinction a-t-elle un sens ?En poésie, un mot peut contenir tout l’univers. Tout est ciselé, laminé, sucé jusqu’à l’os. Tout n’est qu’essentiel de l’essentiel. En prose, l’espace grandit, le temps s’allonge, on décrit, on narrait, on dialogue, on explique, on répète…Deux « univers », mais qui se croisent et cohabitent. Chacun nourrit l’autre, et chacun il est le miroir de l’autre.4/ De la forme (et du formel) en temps de crise.Je ne crois pas beaucoup à la distinction entre la forme et le contenu, mais je pense que « la forme » est plus forte, a plus de sens en temps de crise (où le sens même perd son sens). Ce qu’on appelle par contenu n’est que quelque chose déjà dite, mais c’est « la forme », ce feu qui donne vie à un certain contenu inerte, usé. En temps de crise, on est bourré de discours pas possible dans tous les sens, et c’est dans cette forme que tout peut être chamboulé et renversé.5/ Quel avenir pour la poésie ?La poésie n’a toujours que l’avenir. Le présent est grignoté et dévoré par cette « Mauvaise poésie publicitaire » dans la course de la consommation déchainée et mondialisée.6/ La part de la prosodie dans l’élaboration du poème.Pour moi, le côté « sonore » dans le poème m’aide beaucoup à « se déplacer » librement durant l’écriture. Ma « petite musique » intérieure rejoint ou elle est identique à ce qui est « organique », « instinctif » chez moi. Quelle belle liberté de toucher ce côté musique-physique. Quand les mots deviennent physiques, et ensemble d’espaces, quand le poème devient comme un bloc ou une petite maison basse. J’aime parfois rendre mes mots « banals », « plus quotidiens ». C’est un plaisir. Je veux expliquer, je veux rester un peu longtemps sur une description par exemple. J’écoute ce qui est « visuel », et je vois ce qui est « sonore ».7/ La place de la traduction dans l’écriture poétique.Je pense qu’en général, un texte est lié à cet acte de traduire. Interpréter, c’est déjà traduire. Ecrire dans une seule langue, c’est traduire d’autres langues intérieures en nous. Et en général, s’il n’y avait pas le travail de traduction dans le monde, on ne connaîtrait pas tous ces textes dans leurs langues.