Prix public : 40,00 €
Avec Orfeo ed Euridice, Gluck s’oppose à plus d’un siècle et demi de tradition italienne et s’impose comme une figure incontournable de l’histoire de l’opéra. En collaboration avec Calzabigi, il réfute la prouesse technique des airs virtuoses des opéras italiens et promeut la simplicité et « l’expression directe et sincère du sentiment ». Cependant, la version de 1762 est moins dense que l’Orphée et Eurydice de 1774, établie avec Pierre-Louis Moline afin d’adapter le livret de Calzabigi à la langue française : Gluck a revu la partie vocale du héros, qui passe de la voix de castrat à celle de ténor, et ajouté à la version d’origine quelques pièces vocales ou orchestrales.L’ouverture, en do majeur, a survécu aux remaniements du compositeur. Son caractère enjoué et festif diffère de l’ambiance plus sombre de la tragédie qu’elle présente. Elle est construite selon une forme sonate monothématique reconnaissable par son plan en trois parties : une exposition qui introduit deux thèmes, l’un dans le ton principal et l’autre à la quinte, puis un développement et, enfin, une réexposition reprenant les deux thèmes principaux de la première partie dans la tonalité initiale.La partition de 1774 bénéficie des modifications opérées par Gluck qui introduit des pièces originales et des reprises de partitions antérieures, notamment dans l’acte II. Avec ses deux tableaux antithétiques représentant les Enfers puis les Champs Élysées, cet acte juxtapose aussi bien des paysages que des émotions contrastées. L’« Air des Furies », originellement composé pour le ballet Don Juan, conclut le premier tableau par une danse dantesque des créatures démoniaques avant de disparaître dans les abysses. Gluck révolutionne à nouveau l’opéra en nous livrant une image effrayante des Enfers grâce à des rythmes de cordes effrénés et des enchaînements d’accords dissonants intensifiés par les cuivres. Cet « Air des furies » est d’autant plus impressionnant qu’il s’oppose à la pièce suivante, modifiée elle aussi pour la version française. Le « Ballet des ombres heureuses » introduit parfaitement le deuxième tableau que forment les Champs Élysées. Avec un remarquable menuet de forme binaire à reprise, déjà présent dans l’Orfeo ed Euridice, Gluck peint un paysage idyllique, paisible et coloré. Le compositeur a néanmoins ajouté à sa version initiale un trio en ré mineur composé d’un chant à la flûte solo, « soutenue par le fluide accompagnement des violons comme par le murmure des ruisseaux ».Orphée et Eurydice rencontre un succès considérable auprès du public français au point de convaincre les éléments les plus hostiles à la tragédie lyrique française. Ainsi, Jean-Jacques Rousseau, défenseur convaincu de l’opéra italien, tomba sous le charme de cette pièce et aurait déclaré : « Puisqu’on peut avoir un si grand plaisir pendant deux heures, je conçois que la vie peut être bonne à quelque chose.»