Prix public : 20,00 €
Capitale de la douleur naît en 2013 de l’amitié unissant le duo Sità (un duo flute-clarinette) au compositeur Romain Dumas. Ce cycle est une évocation musicale de trois textes du poète surréaliste Paul Éluard, issus de deux de ses recueils parmi les plus célèbres : Capitale de la douleur (1926) et L’Amour la Poésie (1929). Ces ouvrages magnifient sa relation avec sa première muse, Gala (de son vrai nom Helena Diakonova), qui le quitte en 1929 pour Salvador Dalì. Capitale de la douleur traduit ainsi la plénitude de l’amour partagé tandis que L’Amour la Poésie célèbre un amour devenu à sens unique. Le temps semble d’ailleurs se suspendre à la dédicace du poète : « à Gala, ce livre sans fin ».Capitale de la douleur est un triptyque épousant un schéma lent-vif-lent. Les deux mouvements lents s’inspirent des poèmes « La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur » et « Leurs yeux toujours purs », tous deux extraits du recueil Capitale de la douleur, tandis que « Ses yeux sont des tours de lumière » est le second poème de L’Amour la Poésie.Si poèmes et duos présentent des analogies de formes, la musique s’émancipe néanmoins rapidement du texte pour créer sa propre logique : au delà du poème lyrique, ce triptyque semble prolonger délicieusement l’impression sonore laissée par les mots.Il y est évidemment question d’amour. Un amour tantôt calme et voluptueux, tantôt folâtre dans « La courbe de tes yeux ». La sérénité de la relation se manifeste entre autres par le registre grave enrobant les grandes lignes alternativement dessinées par les deux instruments. « Ses yeux sont des tours de lumière » célèbre quant à lui un amour fougueux et indompté. L’utilisation de la petite clarinette rend l’atmosphère à peine grinçante : cet amour volcanique rayonne loin du poète. Cependant, l’ordre des pièces retenu au sein du cycle semble s’interdire de le clore sur l’idée de l’amour perdu, mais se veut au contraire optimiste. En effet, « Leurs yeux toujours purs » est une fresque présentant différents tableaux de la vie à deux, oscillant entre harmonie et désaccord. Il s’ouvre et se ferme cependant sur une unité retrouvée entre la clarinette et le piccolo puis la flûte, magnifiant ainsi le champ des possibles ouvert par la relation amoureuse.La thématique des yeux unit également ces trois poèmes : les yeux comme lien sensible à l’être aimé, les yeux tournés vers de nouveaux horizons, les plus beaux yeux du monde laissant entrevoir l’immensité de l’existence. Enfin, les yeux, inutiles à la perception de cette musique, exégèse sensible de pages sublimes de la poésie surréaliste, où mots et notes résonnent avec une évidence déconcertante.Anastasie Lefebvre de Rieux