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Il me tarde d'être à Londres, dans le quartier de Chelsea, près du paon albinos qui occupe l'hôtel où vécut Oscar Wilde et qui s'appelle Oscar ; il me faut du blanc, des draps blanchis sur l'herbe, des clartés de langage, un jeu de têtes rousses au visage crémeux comme né des ablutions faites au lait déposé chaque jour à leur porte ; je n'en peux plus du croisement des peaux et des idées jusqu'à un infini où la raison se perd dans le magma cynique de l'ensemblement. Je veux aller en France, passer par la Lorraine en voyant Soho, car il n'est nul village au pays des lumières qui ne soit corrompu par l'idéologie du chaos salvateur, contrée d'un vif index par ses apologistes. Serais-je arrivé au « Anywhere out of the world » que servait à la fin, questionneur et inquiet, Baudelaire à son âme à chaque fois muette ? « Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : N'importe où ! n'importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde ! ». Mais après l'Angleterre, pour moi « sphère infinie dont le centre est partout et la circonférence nulle part », après Blaise Pascal et après Baudelaire, faudra-t-il un matin s'expulser hors de soi pour être hors de ce monde ? Il y a trente ans, et même dix ans encore, les autochtones définissaient Juan Paral comme « L'élégance des Deux Magots », « l'ultime phare du dandysme de Saint-Germain-des-Prés » ; des photographes américains, tel Martin H. M. Schreiber, le faisaient entrer dans leur anthologie du quartier et il paraissait dans une exposition à Nice sous la signature de Raphaël Gaillarde. Passants considérables, ce que vous vîtes, tels qu'en Léon-Paul Fargue au Café des Deux Magots, est donc le résultat d'une ascèse ; mais toujours demeure en Juan Paral, la souffrance de l'enfant resté seul à quai, devant le paquebot effaceur de familles et pourvoyeur d'orphelins.