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En révélant à Adolphe Thiers au printemps 1832 la cachette de la duchesse de Berry, clandestine depuis l'échec du soulèvement de la Vendée, Simon Deutz devient instantanément la réincarnation de Judas, «?l'homme qui a livré une femme?» que stigmatise Victor Hugo. Mais au moment de sa trahison, ce fils du grand-rabbin de France est catholique, depuis sa conversion à Rome en 1828. Devenu un paria dans son propre pays, il s'exile en 1842 à La Nouvelle-Orléans où il meurt sous le nom de Sylvain Delatour.
C'est l'histoire de ce parcours, qui commence en Allemagne en 1802 et s'achève en Louisiane en 1844, qu'on retrace ici?: celle d'un homme aux identités multiples dans la France postrévolutionnaire. Incarnation du «?traître juif?» avant que Dreyfus ne le supplante, Deutz cristallise l'émergence d'un antijudaïsme multiforme et devient de son vivant l'objet d'une «?légende noire?». En mobilisant la figure de Judas, les nombreux opposants à la monarchie de Juillet entendent aussi mettre en accusation ceux qui ont eu recours à la trahison de Deutz pour capturer la duchesse de Berry?: Adolphe Thiers, ministre de l'Intérieur, et le roi Louis-Philippe.
Si ce nouveau juif errant meurt oublié en exil, la littérature perpétue sa mémoire en en faisant, sous son nom ou sous des noms d'emprunt, l'archétype du traître littéraire dont on souligne à l'envi la judéité.
Jean-Claude Caron est professeur émérite d'histoire contemporaine à l'Université Clermont-Auvergne. Ses nombreuses publications sont consacrées à l'histoire des violences socio-politique dans la France du xixe siècle.