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L'avènement des voix des femmes qui osèrent s'exprimer dans la création théâtrale au XVIIe siècle en Espagne fut un processus chaotique à l'issue incertaine. Il leur a fallu faire preuve d'habileté autant que de témérité au moment de franchir le double seuil qu'imposaient l'institution littéraire et le système patriarcal. Six dramaturges et leurs œuvres, peu ou mal connues à ce jour, écrites entre 1624 et 1683, sont présentées dans la première partie de cet essai novateur. Il s'agit, dans l'ordre chronologique de leurs naissances, de Feliciana Enríquez de Guzmán, Ana Caro de Mallén, María de Zayas, Ángela de Acevedo, Leonor de la Cueva et Juana Inés de la Cruz. L'écriture de ces autrices est envisagée de façon transversale pour cerner, dans leurs pratiques discursives, la part des conventions et des transgressions. Cette étude permet de mettre à jour les modalités de l'expression d'une poétique du féminin fondée sur une dramaturgie du détour. En deuxième partie, la pièce El Conde Partinuplés de Ana Caro, publiée en 1653, est proposée à titre d'exemple. L'émancipation, aussi bien éthique que politique, des personnages féminins est étudiée dans cette comedia à travers les variations de la thématique du désir dans son opposition dialectique avec le pouvoir. Enfin, la transcription du texte espagnol de la pièce, accompagnée de sa première traduction en français, permet d'apprécier les qualités esthétiques et la « vertueuse audace » de cette dramaturge de l'ombre.