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L'état de nature n'est pas, comme on l'a dit quelquefois, l'état où se trouve l'homme avant l'institution des sociétés. Une telle expression ferait croire, en effet, qu'il s'agit d'une époque historique, par laquelle aurait réellement commencé le développement humain. Telle n'est pas la pensée de Rousseau. C'est, dit-il, un état « qui n'existe plus, qui n'a peut-être point existé, qui probablement n'existera jamais » (Discours sur l'origine de l'inégalité, préface). L'homme naturel, c'est tout simplement l'homme, abstraction faite de tout ce qu'il doit à la vie sociale, réduit à ce qu'il serait s'il avait toujours vécu isolé. Le problème à résoudre ne ressortit donc pas à l'histoire, mais à la psychologie. Il s'agit de faire le partage entre les éléments sociaux de la nature humaine et ceux qui dérivent directement de la constitution psychologique de l'individu. C'est de ces derniers et d'eux seuls qu'est fait l'homme à l'état de nature. Le moyen de le déterminer « tel qu'il a dû sortir des mains de la nature» est de le dépouiller « de tous les dons surnaturels qu'il a pu recevoir et de toutes les facultés artificielles qu'il n'a pu acquérir que par un long progrès » (ibid. et 1re partie). Si pour Rousseau, comme d'ailleurs pour Montesquieu et presque tous les penseurs jusqu'à Comte (et encore Spencer retombe-t-il dans la confusion traditionnelle) la nature finit à l'individu, tout ce qui est au delà lie peut être qu'artificiel. Quant à savoir si l'homme est resté un temps durable dans cette situation, ou s'il a commencé à s'en écarter dès qu'il a commencé à être, c'est une question que Rousseau n'examine pas, car elle n'importe pas à son entreprise.