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M. Colin-Tampon avait cinquante ans; il était propriétaire d'une jolie villa sur le territoire de Courbevoie, et, par-dessus le marché, conseiller municipal. Il va sans dire que M. Colin-Tampon avait été jeune dans son temps. Si nous le prenons à l'âge de seize ans, nous remarquons qu'il s'appelait alors Colin tout court, qu'il étudiait pendant le jour les mystères de la mercerie, rue Saint-Denis, à l'enseigne du Bouton- d'Or, sous les auspices de M. Tampon, patron peu endurant; la nuit, il dormait à poings fermés dans une soupente située au sixième étage de la maison même où habitait son patron. Comme il n'était point ambitieux, ses rêves, quand par hasard il rêvait, ne lui montraient point la jolie villa de Courbevoie ni les honneurs municipaux; oh, mon Dieu, non! Il rêvait qu'il y avait deux dimanches par semaine au lieu d'un, ou bien que la morue n'apparaissait qu'une fois par semaine, au lieu de cinq, sur la table du patron. N'allez pas conclure de là que le jeune Ernest Colin fut un paresseux ou un gourmand. Son patron le faisait travailler avec une sévérité si implacable, que le soir «les jambes lui rentraient dans le corps». Il était donc bien excusable de soupirer après le jour du repos. Quant à la morue, mon intention n'est point d'en dire du mal. C'est un mets exquis pour ceux qui l'aiment, et encore à condition qu'ils n'en abusent pas. Ernest en abusait, et il en abusait bien malgré lui, car il avait une horreur instinctive pour ce mets, cher à M. Tampon.