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L'attitude du chrétien face à l'histoire est double. D'un côté il doit se préparer à la "fin des temps", c'est-à-dire à l'avènement de l'Antichrist; de l'autre, et en dépit des circonstances dramatiques qui entoureront cet avènement, il ne doit pas séparer "espérance et histoire". Pour Josef Pieper, ce paradoxe constitue l'ethos authentique du christianisme. Pourquoi faut-il aimer le monde et son histoire ? Parce que l'Antichrist est aussi l'ennemi de la création. C'est pourquoi l'annonce de l'Evangile s'accompagne de la défense de la dignité de l'homme. La "terre nouvelle" attendue veut dire que rien ne sera perdu de ce qu'il y a de bon dans l'histoire. Platon rêvait d'un festin métaphysique auquel participe l'âme comme commensal des dieux, hors de l'histoire. Le chrétien y communie déjà. Non pas dans un "arrière-monde", mais dans la communion eucharistique. Dans cette perspective, les réalisations sécularisées de cette aspiration à une commensalité universelle ("démocratie", "règne de la liberté", "société sans classe") signalent toujours un lien implicite avec l'espérance chrétienne. Mais ce désir peut être dévoyé et devenir le creuset de la société totalitaire de l'Antichrist. Si l'activité du chrétien dans la cité veut être dotée d'une vraie fécondité, elle doit sourdre d'une veille intérieure.