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Cette étude reconstitue un puzzle culturel et anthropologique constitué d'éléments divers relevant de la science, des codes romanesques et esthétiques du genre exploratoire, des croyances et des mythes lointains ou récents, sans oublier les traditions picturales. Il s'agit, pour reprendre les termes de Michel Foucault, de faire de nouveau résonner « ces voix de l'arrière-fable, dont l'échange dessine la trame de la fiction » : Jules Verne, Edgar Allan Poe, M. P. Shiel, John Buchan, Francis Stevens, Henry Rider Haggard, William Hope Hodgson, Abraham Merritt, Edgar Rice Burroughs, et tant d'autres romanciers de l'imaginaire cannibalisant les écrits de leurs devanciers ou de leurs contemporains en une chaîne qui aboutit à H. P. Lovecraft et, notamment à ses « Montagnes hallucinées ». Dépositaire de la tradition des « mondes perdus », le maître de Providence suit les chemins légendaires qui mènent aux mondes préservés des commencements, aux pays perdus hors de l'histoire, comme stabilisés dans leur milieu éternel, « points suprêmes » quasiment inaccessibles, là où le temps est suspendu –tout comme l'incrédulité du lecteur : centre de la terre, pôles, îles oubliées, mondes sous-marins, cimes himalayesques, cavernes et cryptes naturelles, etc. Toutefois, les nouvelles exploratoires de Lovecraft, loin d'ouvrir sur le merveilleux, débouchent sur l'horreur absolue des mystères des premiers temps que les savants profanent en une transgression apocalyptique. En sondant les « montagnes de la folie », la science réveille le monstrueux. Si Lovecraft ne cesse de proclamer son matérialisme militant, son œuvre abonde en reproductions mythiques : savoir interdit, descente aux enfers, révélation, exhumation, souverain endormi, circularité temporelle ou éternel retour, balancier cosmique, quête du centre, Toit du Monde, etc. Michel Houellebecq avait bien perçu chez l'auteur l'existence d'un « mythe moderne » et d'une « architecture sacrée ».