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Sculpture sans abri est un essai de Günther Anders écrit lors de son séjour aux États Unis. À partir d’une réflexion sur Rodin et de la fameuse conférence de Rilke sur le sculpteur, ces pages constituent une analyse des rapports divers que l’œuvre d’art entretient avec l’espace, tant architectural que social. Plus largement, elles abordent la question de notre regard sur les « choses », sur les « objets », pris dans la machinerie sociale, et la façon dont l’art du vingtième siècle a essayé de les « sauver » de leur destin de marchandises. « Vers 1900, l’humanité vivait dans un monde qui avait fait de tout — aussi bien de l’homme, du temps de l’homme que de la relation d’homme à homme — un élément interchangeable dans le système des marchandises. L’interchangeabilité signifie que plus aucune chose n’est identique à elle-même mais que toute chose est en fait déterminée et définie par sa relation à l’ensemble des autres marchandises, par le marché. Elle est, comme dit la sociologie, « aliénée ». Bien évidemment, il ne pouvait être question pour tout un chacun d’attaquer directement cette « aliénation », en tant que membre de la société. Dans la mesure où l’aliénation était la conséquence directe du système existant, la bataille ne pouvait être engagée que d’une manière indirecte : par le « désaveu » ou la dissimulation. Le philosophe, l’artiste, le musicien et le poète ont voulu glorifier la vie, souligner la différence qui sépare, du point de vue métaphysique, la « personne » et la « chose » et accompagner fidèlement, par un romantisme sans faille et toujours croissant, la « réification » elle-même toujours croissante de l’homme. Rilke a été l’un d’entre eux. »