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Règles de savoir-vivre à l’usage d’un jeune Juif de mes amisd’André Weil-Curiel a été imprimé une première fois le 3 août 1945 aux éditions du Myrte. Nous en avons repris la préface de Léon-Paul Fargue, l’avant-propos (non signé) et le texte intégral d’André Weil-Curiel qui constituaient l’édition originale. Ce livre d’André Weil-Curiel se présente sous la forme d’une lettre adressée à un certain Lévy par un certain Dubois, ami de lycée du père du premier. Dubois retrace tout d’abord la carrière militaire de Lévy rappelant celle d’André Weil-Curiel : il a rejoint le général de Gaulle à Londres dès le 19 juin 1940. Dubois lui demande de ne pas insister sur sa valeur militaire, sur ses exploits guerriers quand les Français ont eux aussi souffert et ajoute qu’il n’y a pas lieu de se vanter ni de s’étonner du climat hostile qui accueille Lévy quand il rentre à Paris. Car, finalement, pour ceux qui «n’ont pas songé un instant à désobéir au maréchal Pétain, tu es un rebelle, tu es un émigré, un excitateur de la radio de Londres. Tu te cabres ? Il était noble de poursuivre la lutte, de rester fidèle à l’Alliance avec l’Angleterre, de faire non seulement des vœux, mais des sacrifices pour la cause alliée ? Peut-être — dans certains cas — mais pas dans le tien. C’est une question de nuances. Tu appartiens à une race errante.» Tout ce qui va lui arriver montre qu’après la guerre, le Juif Lévy est — encore – de trop dans une société française qui n’a pas changé. Bien sûr, la famille de Lévy a été fixée en Alsace depuis le xve siècle — mais cela ne change rien… Sur un ton éminemment ironique qui dénonce le sort réservé aux Juifs par la France de l’après-guerre, suit une réflexion cinglante sur le nom des Juifs, sur leur désir de s’intégrer à une société qui le rejette toujours, sur les spoliations dont ils ont été les victimes. André Weil-Curiel manie à merveille l’antiphrase et pose les termes d’une double contrainte qui menace les Juifs : qu’ils soient braves, on leur reprochera leur arrogance ; qu’ils soient humbles, on dénignera leur prétendue servilité, leur supposé manque de dignité… Quand Lévy revendique tout simplement ses droits, Dubois lui rappelle ses devoirs. Et quand Lévy cherche à récupérer l’appartement qui lui appartient et qu’un couple Dunoyer, enrichi pendant l’Occupation, habite désormais, on lui reproche de s’être absenté de longs mois. Si Lévy insiste pour retrouver ses droits, les Dunoyer « [qui] n’étaient pas antisémites» pourraient le devenir… Bref, Lévy est condamné quoi qu’il fasse : « C’est cela qui est grave, Lévy ; un Juif ne doit pas être élu, il ne doit pas même être candidat. Il doit être discret, très discret. Il doit se féliciter tous les jours de la chance qu’il a de vivre librement en France, de n’être pas jeté en prison, ni torturé dans des camps de la mort, de ne pas porter d’étoile jaune et de pouvoir embrasser une Française sans commettre un crime. Qu’il laisse aux autres Français les honneurs et les richesses. Ces biens ne font d’ailleurs pas le bonheur. À cette condition, il dissipera les préventions qui pèsent sur lui. On l’oubliera. Que peut-il espérer de mieux ? » André-Weil-Curiel : né dans le XVIe arrondissement de Paris le 1er juillet 1910 et mort dans le XVe, le 11 janvier 1988 — est un avocat et homme politique. Il a été conseiller municipal socialiste de Paris (IIe arrondissement) puis non-inscrit de 1959 à 1965. Il est l’un des tout premiers à rejoindre le général de Gaulle à Londres dès le 19 juin 1940. Son engagement pendant la guerre lui vaut d’être décoré de la médaille de la Résistance, de la Croix de guerre 1939-1945, de la Médaille des évadés et de la Légion d’honneur. André-Weil Curiel est l’auteur de mémoires parues, aux éditions du Myrte dans la collection « La vie des peuples », en trois volumes sous le titre général Le Temps de la honte : I. Le jour se lève à Londres (1945) ; II. Éclipse en France (1946) ; III. Un voyage en enfer (1947). Léon-Paul Fargue est né à Paris (Ier) le 4 mars 1876, et mort dans le VIe arrondissement de la capitale le 24 novembre 1947. Poète, chroniqueur et essayiste, « peu connu et célèbre », comme l’écrit André Beucler dans le « Farguiana » de son De Saint-Pétersbourg à Saint-Germain-des-Prés, il est l’auteur d’une œuvre remarquable et notamment du fameux Piéton de Paris (1939). Le texte de cette préface avait été publié un première fois intégralement dans Le Figaro du samedi 24 mars 1945 sous le titre « Sombres folies ». Ce texte reprend en grande partie un article titré « De l’antisémitisme » publié dans le « grand hebdomadaire littéraire et illustré » Marianne du mercredi 11 janvier 1939.