Prix public : 20,00 €
Peinture et poésie ont toujours eu partie liée. Un poète nous dit ici ce que l’art représente pour lui, ce qu’il lui apporte, ce qu’il lui refuse. L’auteur fait aussi écho à la fascination exercée par les œuvres de quatre peintres : Jean-Paul Berger, Miklos Bokor, Claude Garache et Alexandre Hollan. Les textes ou les poèmes qu’il leur consacre constituent une réponse sans fin tentée aux interrogations, mais aussi aux émotions qu’elles n’ont pas manqué de susciter, dans la proximité de l’expérience poétique. Une lecture de deux tableaux d’un autre siècle, l’un de Charles Gleyre, l’autre d’Émile David, et une réflexion sur l’art contemporain complètent le présent ouvrage. Elles en cernent la raison d’être et les enjeux. Durant tout un temps d’innocence non feinte, j’ai voulu croire que la perception des profondes harmoniques du monde aurait pouvoir de m’accorder à ce dernier (et que le poème à venir le serait donc aussi, par voie de conséquence). Et que tout était donc affaire de consonance. Mais il m’a fallu déchanter, tant il fut un jour évident qu’une écoute attentive et patiente ne suffit pas à assurer l’accord espéré ; pas plus, d’ailleurs, qu’un regard appliqué ne peut accomplir et réaliser la quête heureuse de ce qui se cache derrière l’apparence. S’émerveiller, ainsi, devant le frêle tremblement de l’être, c’est rester bouche bée. Or la contemplation ne suffit pas. Il faut certes se laisser interpeler par le réel et non le provoquer ; mais il faut aussi faire preuve d’une curiosité vigilante et s’exercer à une grande disponibilité, qui puisse répondre de la manière la plus adéquate possible à l’intensité des surgissements. Rendre compte de la réalité exige alors de s’exposer à ses sortilèges sans crainte de l’affronter dans sa prodigieuse diversité – ce qui revient à dire que rien de ce qu’elle révèle ne sera écarté par principe. (…) Les œuvres des peintres, bien entendu, m’importent tout d’abord pour ce qu’elles sont. Mais, au-delà, il ne me paraît pas interdit d’avoir recours à leur médiation pour m’aider à voir et, parfois, pour m’enseigner à tirer parti de ce que j’ai vu. Ce qu’elles me livrent alors de leur devenir, de leur secret, m’ouvre à ma propre exigence, écarte des difficultés que je puis rencontrer et m’accompagne dans la quête d’un sens. C’est que l’œil du plasticien a osé revenir, encore et encore, sur une évidence obscure, qu’il n’énonce pas, mais qu’il restitue comme à l’abri de la langue à force de l’affronter et de s’y confronter. Il résout, certes, mais autrement. Et, ce qu’il donne à voir gagne parfois le pouvoir de guérir de la cécité et, dans un second temps, du silence : la taie alors disparaît et la bouche ose. (…) Le tableau, engendre volontiers, comme chacun sait, une réflexion. Il suscite alors, à son propre sujet, une paraphrase ou un commentaire, qui sera volontiers discursif. S’agit-il d’en rendre compte, la prose convient mieux. Mais elle n’a pas le monopole. Il arrive ainsi que l’œuvre produise des scories plus incertaines d’être purement intuitives – et c’est ici que le poème intervient, tant bien que mal, dans un espace où l’œuvre devient littéralement un « pré-texte ». La focale de l’écrit, alors, la redimensionne à sa mesure : elle la fractionne, elle l’agrandit ou la réduit à quelques éléments, qui conduiront peut-être à de l’imprévu, mais qui doivent pourtant rester en rapport avec elle !