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Sans doute le corps est une fiction que l’on se fabrique pour tenir ensemble les espaces et les temps dans lesquels on a lieu. Et le langage, verbalisation de ces plasticités. Et la ville, théâtre du corps. Sait-on lequel prolonge l’autre ? De corps, on en change continuellement, avec l’âge, dans les usages que l’on en fait, ceux auxquels on l’oblige. Dans ses capacités, ce qu’il renvoie du monde et de soi. Et cette image mentale même que toute sa vie on apprivoise. Dans ces brèves fictions, chaque fois un changement minime ou absurde, en induisant une expérience autre du monde, vous en modifie l’équilibre. Et ce léger décalage enclenche toute une série de déplacements possibles avec vertiges et étrangetés. On pense d’abord à des fantaisies. François Bon, lui, dit notes. Pareils que les très courts de Kafka ou son Champion du jeûne dont le « Fameux prestidigitateur » est une sorte de frère, quelque chose vous prend au ventre qui vous concerne dans l’étrange, dans la folie même dont on se tient au bord ou qui nous traverse sans qu’on sache. À peine décalées, ce sont nos propres vies qu’on voit surgir, comme dans la brisure d’un miroir. Ceux-là qui s’effritent, sont interchangeables ou fragmentés, ne sont pas uniquement dans les projections mentales du récit, mais au plus près de vous. Derrière le drôle et l’imaginaire, ça vous tombe dessus. Fictions du corps comme autoportrait plan large. Ou, empruntant à René Char ces vers du Nu perdu, « comme si tu revivais tes fugues dans la vapeur du matin (…) l’irréel intact dans le réel dévasté ».