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Le plus beau compliment qu’Alma pût faire à l’orchestre, se souvient Anita, était d’estimer que son père, Arnold Rosé, eût apprécié de les entendre jouer. « Elle nous parlait souvent de lui et nous dit à plusieurs reprises – c’était une quasiprémonition – que si l’une ou plusieurs d’entre nous survivaient au camp, il nous faudrait aller voir Arnold et lui parler de l’orchestre. » Lors d’une interview donnée à la BBC en 1996, Anita fut amenée à se prononcer sur les qualités musicales de l’orchestre. La réponse ne vint pas immédiatement. Anita cherchait ses mots. « Lorsque j’y repense, j’ai du mal à répondre à cette question, finit-elle par dire. Nous n’étions pas aussi mauvaises que nous l’aurions dû, étant donné qu’il n’y avait pratiquement aucune professionnelle parmi nous. Mais Alma Rosé, étant Alma Rosé – c’était le chef d’orchestre, oui – elle avait mis la barre extrêmement haut. » Alma « avait-elle compris que c’était la seule manière de garantir la vie sauve aux musiciennes » ? À cette interrogation, Anita répond de la manière suivante : « Je ne crois pas qu’elle ait été poussée par la peur – la peur des SS, celle d’être gazées si nous ne jouions pas assez bien pour eux. Je ne crois pas. C’était plutôt une évasion dans… la perfection […]. Dans le contexte, cela semble complètement absurde. » Manca Švalbová – une jeune déportée juive de Bratislava, étudiante en médecine, pour laquelle Alma avait une grande affection et qu’elle surnommait le Dr Mancy – estime elle aussi qu’Alma retrouvait sa liberté dans la musique. Sans musique, disait le Dr Mancy, Alma était comme un oiseau aux ailes ensanglantées, se heurtant aux barreaux de sa cage. La musique lui permettait de prendre son envol, de quitter Birkenau, « comme si elle avait recouvert le camp d’un cache-lumière ».