Prix public : 17,90 €
Une jeune femme se réveille sur une lande déserte. Son nom : Anna. Mais elle l'ignore car elle semble avoir complètement perdu la mémoire. Oublié son nom, son identité, le pourquoi elle se retrouve dans ce mystérieux endroit, le comment elle en est arrivée là. Anna est une naufragée. Pourtant elle n'a ni trop chaud, ni froid, n'a ni faim, ni soif, l'air est tiède et le sol sans hostilités. Alors, naufragée ou simplement piégée ? Est-elle observée, l'a-t-on droguée puis abandonnée sous le regard de caméras cachées ? Telles sont les accusations qu'elle porte à un auditoire supposé, les invectives même, propos presque insultants comme ceux que pourrait lâcher une héroïne de téléréalité. Son identité fuyante l'oblige à s'en inventer une, à se trouver un pays, une origine, une couleur de peau et à proclamer son indépendance. Parfois bâclés, souvent précis, ces vérités improvisées et ces délires restent réversibles comme semble réversible sa situation d'abandon. Tour à tour Martiniquaise, prof, exploratrice, comédienne, scientifique, Anna n'a d'autre réelle identité que celle du langage, d'un parlé à voix haute qui donne un sens à de vaines marches. Un corps qui n'a besoin de rien ne peut quand même pas ne pas se souvenir.
SEULE est une robinsonnade moderne. Plus d'échappatoire sur des îles éloignées et inaccessibles, plus d'aventure où manger et stocker devient le but, le naufrage c'est douter de sa capacité à rester connecté, le secours c'est garder le contact, le piège c'est se sentir observé, la psyché devenant maîtresse des lieux. SEULE est le récit de l'anti-échouage car Anna s'en défait facilement, mais celui aussi de l'anti-dystopie car le réel qu'elle a momentanément quitté est celui d'une société parfaite et soignée, même trop soignée, dont seule une crise de folie peut tenir éloigné. L'environnement mécanisé a déclassé les voyages aventureux, la robotisation a déclassé le danger, l'intelligence collective a recentré le désarroi. L'abandon le plus violent, le plus archaïque n'est plus que l'altération de la personnalité et il peut se produire à quelques mètres devant chez soi, à l'heure de franchir le pas de sa porte pour rejoindre le travail.
Là, l'horizon y est vaste, le sol immense, la solitude démesurée.