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Comme toutes les espèces vivantes, l’humanité tend à se conserver et à proliférer. Mais ayant réussi à mettre la main sur les phénomènes naturels, elle a pu prononcer des arrêts de vie ou de mort sur les autres espèces. L’espèce humaine est devenue le parasite suprême qui vampirise tout ce qui végète, vit et meurt à la surface du globe. Mais nous autres, individus du grand nombre, succombons à notre tour sous notre propre nombre et sous une avalanche d’images. Nous avons beau nous jeter dans la mêlée, nous ne résistons pas à l’accumulation des corps, au vrombissement des images, au gonflement des phrases, au tournoiement des idées, au fracas des durées, à la vitesse des chiffres, au harcèlement des perdants, au rétrécissement du champ visuel, à la manipulation du vivant, à la transgression publicitaire, aux sondages instantanés, au lotissement du paysage, à l’affaissement des convictions. Nous sommes déconfits. C’est moins la comptabilité des nouveau-nés et des cadavres qui nous terrifie que notre incapacité à fixer les ombres et les nombres.